L’Italie s’interroge sur la suite à donner au programme d’avion de combat F-35

En juillet 2013, Alenia et Lockheed-Martin inaugurèrent à Cameri, près de Milan, une usine FACO [pour assemblage final et Check Out], c’est à dire la première unité industrielle dédiée à l’avion de combat F-35 installée hors des États-Unis. Cet investissement de 800 millions d’euros traduisait ainsi le statut de partenaire dit de niveau 2 de l’Italie dans ce programme.

Initialement, le ministère italien de la Défense comptait acquérir 131 F-35 pour couvrir les besoins de l’Aeronautica Militare et remplacer les avions AV-8B Harrier II de type STOVL [Short Take Off Vertical Landing] de la Marina Militare. Seulement, la crise économique et financière étant passée par là, les ambitions ont depuis été revue à la baisse et il est désormais question de commander seulement 90 appareils, dont 30 en version STOVM [F-35B, ndlr].

Cela étant, ce programme d’avion de combat, qui doit permettre de remplacer, outre les AV-8B Harrier, les Panavia Tornado qui ont fait plus que leur temps, est sous le feu des critiques émises par des responsables politiques, ces derniers estimant son coût exhorbitant.

En 2014, le Parti démocratique italien, emmené par Matteo Renzi, fit campagne pour réduire le nombre de F-35 commandés afin de réorienter les fonds ainsi économisés vers un programme européen, en l’occurence l’Eurofighter Typhoon.

« Chaque euro investi [ndlr, dans le F-35] finira dans les caisses de Lockheed-Martin […] Soutenir un projet aérien européen [ndlr, Eurofighter] à la place nous aménera un avantage économique certain et de l’emploi. Chaque euro investi sera retourné à l’Italie par le consortium en termes de commandes », faisait-il alors valoir.

Mais, une fois au pouvoir, Matteo Renzi mangea son chapeau et l’objectif d’acquérir 90 F-35A/B fut maintenue. Et cela pour deux raisons : la nécessité de renouveller les chasseurs-bombardiers des forces aériennes italiennes (« 90 est le nombre qui nous permet de couvrir les besoins du pays en terme de défense », expliqua, à l’époque, une source « proche du dossier ») et le contrat important obtenu par Finmeccanica [Leonardo, ndlr] pour la maintenance de ces appareils au niveau européen.

Le sort de ce programme était-il alors définitivement scellé? Lors de la campagne des dernières élections législatives italiennes, le Mouvement Cinq Étoiles plaida pour abandonner l’achat de F-35. Partageant désormais le pouvoir avec la Ligue, cette formation politique a obtenu le ministère de la Défense, avec Elisabetta Trenta à la tête de ce dernier. Et, à nouveau, Rome s’interroge.

Actuellement, l’Aeronautica Militare dispose de 9 F-35A (sur 60 attendus, 15 autres devant être des F-35B) et la Marina Militare a reçu son premier F-35B en janvier dernier.

Qu’en sera-t-il à l’avenir? Dans un entretien donné à Defense News, la semaine passée, Mme Trenta a laissé entendre que la cible de 90 avions ne serait pas réduite mais que les livraisons pourraient être étalées dans le temps.

« C’est un programme dont nous avons hérité et au sujet duquel nous avons beaucoup de questions. C’est pourquoi nous l’évaluerons en considérant les avantages industriels et technologiques en fonction de l’intérêt national », avait déclaré Mme Trenta. « Ce que je voudrais faire, c’est alléger la charge puisque nous avons d’autres engagements de dépenses en Europe. Nous allons essayer d’étaler les livraisons au lieu de réduire la commande », avait-elle continué.

Une semaine plus tard, lors d’un passage à la télévision, Mme Trenta a annoncé que l’Italie n’achèterait « aucun autre F-35 ». Et d’ajouter : « Nous sommes en train d’étudier toutes les possibilités afin de comprendre si notre intérêt, en termes économiques, est de réduire ou de maintenir. »

Cependant, a poursuivi Mme Trenta, « si je décidais de réduire le programme, il y aurait de fortes pénalités à payer et il y a, en outre, autour du F-35, de fortes retombées en matière technologique, de recherche et d’emploi. »

Plus tard, via sa page Facebook, la ministre italienne a précisé son propos. « Nous [au M5S] avons toujours critiqué le programme. Personne ne le cache. Pour cette raison, nous n’achèterons pas de nouveaux avions [F-35]. Nous procédons à une évaluation minutieuse qui ne prend en compte que l’intérêt national », a-t-elle assuré.

Seulement, l’argument des pénalités à payer en cas d’un renoncement au F-35 ne convainc pas tout le monde. Et certains y voient un moyen de faire avaler la pilule aux militants du M5S, très hostiles à l’achat de l’appareil de Lockheed-Martin.

Ainsi, Giuseppe Civati, fondateur du parti (de gauche) Possibile, a cité un rapport de Cour des comptes italienne (publié en août 2017) selon lequel « la participation » de Rome au programme F-35 ne serait pas assujettie à des « sanctions contractuelles ». Aussi, conclut-il, Mme Trenta « cherche des excuses pour poursuivre » les plans inités avant son arrivée au ministère de la Défense.

« Comment le M5S peut-il soutenir la nécessité de maintenir l’achat du F-35 alors que ses responsables les plus en vue étaient les adversaires déclarés de cette idée? La base [du M5S] ne sera certainement pas favorable à la confirmation [du F-35] par le gouvernement. […] Mais une fois que vous arrivez au pouvoir, les choses changent. Et les choix ne peuvent être dictés que par l’esprit d’opposition », a résumé le quotidien il Giornale.

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