Les différends commerciaux entre Alliés risquent d’avoir des « conséquences délétères » sur l’Otan

La décision du président des États-Unis, Donald Trump, de faire sortir son pays de l’accord relatif au programme nucléaire iranien n’est pas sans conséquence pour l’Union européenne (UE). En effet, si une entreprise veut continuer à libeller ses échanges en dollars et/ou continuer ses activités sur le territoire américain, elle doit se retirer d’Iran. Faute de quoi, elle s’exposerait à des sanctions.

C’est ainsi que plusieurs groupes industriels du Vieux Continent ont annoncé leur retrait du marché iranien, le dernier en date étant Peugeot SA, qui vend pourtant plus de 450.000 voitures en Iran chaque année. Pourtant, l’Union européenne, qui dit souhaiter le maintien de l’accord sur le nucléaire, a décidé, le 18 mai, de faire appel à une loi dite de « blocage » datant de 1996 (et oubliée depuis) afin de « neutraliser les effets extraterritoriaux des sanctions américaines. » Ce texte, jamais utilisé, avait été adopté pour contourner l’embargo américain imposé à Cuba.

Mais tel n’est pas le seul sujet de fâcherie entre les États-Unis et l’UE, dont 22 des membres appartiennent aussi à l’Otan. Le 31 mai, l’administration Trump a décidé de taxer plus lourdement les importations américaines d’acier et d’aluminium en provenance de l’Europe, du Canada et du Mexique, conformément, d’ailleurs, à ce qu’avait précédemment annoncé le chef de la Maison Blanche.

« Notre industrie a été la cible depuis des années, depuis des décennies même, d’attaques commerciales déloyales. Et ç’a provoqué chez nous la fermeture d’usines, de hauts fourneaux, le licenciement de millions de travailleurs, avec des communautés décimées. Eh bien, ça, ça va s’arrêter », avait en effet affirmé M. Trump, via Twitter, le 1er mars.

Pour justifier cette mesure, Washington a invoqué l’article 232 de la loi sur l’expansion commerciale de 1963, laquelle autorise les autorités américaines à prendre les dispositions nécessaires pour limiter les importations de certains produit en cas de menace sur la sécurité intérieure. Le coup est habile car cela permet de contourner les règles édictées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Évidemment, cette décision américaine a suscité l’indignation des dirigeants européens et canadiens. Au niveau de l’UE, les exportations d’acier et d’aluminium en direction des États-Unis représentent 6 milliards d’euros environ. Et l’Allemagne, l’Italie et la France (à hauteur de 398 millons d’euros) sont les trois principaux pays exportateurs. Pour répondre à Washington, la Commisson européenne envisage de taxer des produits américains pour 2,8 milliards d’euros. Il s’agit du maximum pour éviter les foudres de l’OMC.

S’agissant du Canada, le coup est plus rude puisque ce pays exporte 90% de sa production d’acier vers les États-Unis. D’où le commentaire acerbe fait par le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, lors du dernier forum « Shangri-La Dialogue ». « Je vais me faire entendre. Considérer le Canada comme un risque pour la sécurité nationale [américaine] à cause de l’acier est plus que ridicule », a-t-il dit.

Reste que ces désaccords majeurs entre les États-Unis et leurs alliés risquent de peser sur l’Otan. « Tant que les problèmes perdurent, je me dois d’en limiter les conséquences délétères sur l’Alliance », a ainsi affirmé, le 6 juin, son secrétaire général, Jens Stoltenberg, à la veille d’une réunion des ministres de la Défense des pays membres, en vue de préparer le sommet de Bruxelles, qui se tiendra les 11 et 12 juillet prochains.

« Il y a des désaccords majeurs sur des questions importantes, mais il est important de poursuivre et de renforcer le partenariat en matière de sécurité », a ensuite ajouté M. Stoltenberg. « Il est important de ne pas affaiblir le lien transatlantique », a-t-il poursuivi. « Je ne dis pas que ces problèmes ne sont pas importants. Je ne veux pas minimiser mon niveau de préoccupation […] Mais je pense possible de gérer les désaccords sans miner l’Alliance », a-t-il encore insisté.

De son côté, dans l’avion qui l’emmenait à Bruxelles, le chef du Pentagone, James Mattis, s’est voulu rassurant. « Les guerres commerciales ont un effet sur les relations sécuritaires », a-t-il admis. « Mais à l’heure actuelle, ce n’est pas ce que je constate et je pense qu’il est encore prématuré d’appeler ça une guerre commerciale parce que […] les choses vont évoluer », a-t-il dit, sans plus de précisions.

Cela étant, ces désaccords ne remettent pas en cause l’engagement militaire américain au sein de l’Otan.

« Le président Trump a un message clair sur le commerce, mais il a aussi un message clair sur l’engagement américain en Europe », a souligé M. Stoltenberg, qui a recontré le chef de la Maison Blanche le 17 mai dernier.

« Il y a plus de troupes américaines en Europe, avec une brigade blindée, un groupement tactique mené par les Américains avec des troupes en Pologne. Il y a plus d’équipements américains prépositionnés, plus de financements pour l’initiative américaine de dissuasion en Europe. En dépit de divergences majeures, le lien transatlantique n’est pas affaibli », a encore fait valoir le secrétaire général de l’Otan.

En outre, les États-Unis vont soumettre une initiative qui, appelée « 4×30 », vise à mettre à la disposition de l’Otan, d’ici 2020, 30 bataillons mécanisés, 30 escadrons et 30 navires de combats, prêts à être déployés dans un délai de 30 jours. « Il s’agit d’établir une culture de la préparation et nous avons besoin de cela parce que comme nous avons un environnement de sécurité plus imprévisible, nous devons être préparés pour l’imprévu », a commenté M. Stoltenberg.

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