La Suède convoque 22.000 réservistes pour un exercice d’une ampleur inédite depuis 1975
Depuis l’annexion de la Crimée, en mars 2014, les pays scandinaves, dont la Suède, parlent d’une situation sécuritaire « sensiblement dégradée » dans leur environnement proche, notamment en raison d’une intensification de l’activité militaire russe.
Ainsi, la Baltique pourrait être une zone de confrontation dans le cas où les États baltes et la Pologne seraient déstabilisés par la Russie. D’où la décision de la la Suède de remilitariser l’île stratégique de Gotland, en y réactivant un régiment. Et cela d’autant plus que les forces russes ont déployés une bulle A2AD [ndlr, Anti-Access Area-Denial] » dans l’enclave de Kaliningrad.
Riche en ressources naturelles et susceptible, avec le changement climatique annoncé, de devenir le carrefour de nouvelles routes maritimes, la région du Grand Nord est une autre région stratégique, qui plus est déclarée « prioritaire » par la Russie. D’où ses activités militaires près de la Norvège et ses intimidations à l’égard du Danemark.
Mais pas seulement car la Suède et la Finlande ont ainsi signalé, à plusieurs reprises, plusieurs incidents aériens et navals impliquant les forces russes.
En décembre, un rapport d’étape, rédigé par un « forum de consultation » réunissant des députés du Riksdag, a ainsi estimé que la Suède pouvait faire l’objet d’une attaque militaire, sans pour autant précisé quel pays pourrait être l’assaillant.
Ce document a conforté les orientations prises par Stockholm dans le domaine de la défense. Orientations se traduisant par des hausses régulières des dépenses militaires suédoises, la recherche de coopérations militaires (avec le Royaume-Uni, les États-Unis et la Finlande), le retour de conscription (qui avait été supprimée en 2010) ou encore par la reprise en main d’une industrie de l’armement qui avait été délaissée après la fin de la Guerre Froide.
Ce nouveau contexte sécuritaire a également motivé le retour du concept de « défense totale », qui vise à faire en sorte que le pays puisse continuer à fonctionner dans des conditions perturbées, avec une très grande synergie entre les forces armées, les services de sécurité civile et le secteur privé.
Signe qu’elle prend très au sérieux une telle menace d’attaque, la Suède a renoué avec des pratiques qui n’avaient plus cours depuis des années, avec l’organisation de manoeuvres militaires d’une ampleur inédite, la diffusion, comme dans les années 1960, d’un livret intitulé « En cas de crise ou de guerre » ou encore la simulation, par le Riksdag, d’un état de guerre. Ce qui ne s’était plus vu depuis 1997.
Un autre signe vient d’être donné par Stockholm. En effet, alors qu’elle célèbre sa fête nationale, en ce 6 juin, la Suède a rappelé 22.000 réservistes de la Hemvärnet [« Garde intérieure », ndlr] pour un exercice à la fois impromptu et… inédit depuis plus de 40 ans.
Cet exercice, organisé à l’échelle nationale, vise à tester la mobilisation de cette Garde intérieure, chargée de tâches de surveillance, de défense et de logistique.
« Notre mission est de renforcer la défense de la Suède et d’améliorer nos capacités opérationnelles […]. Nous mettons ici à l’épreuve la chaîne de mobilisation pour environ la moitié de notre organisation, ce que nous n’avons pas fait depuis 1975 », a expliqué le général Micael Bydén, le chef d’état-major des forces armées suédoises. « Les missions de protection et de surveillance de la réserve sont cruciales pour permettre au reste des forces armées de défendre la Suède », a-t-il ajouté.
La Hemvärnet doit ainsi mobiliser 40 bataillons sur l’ensemble du territoire suédois, soit jusqu’à 22.000 réservistes. Leurs missions de protection et de surveillance sont « essentielles pour que les forces armées puissent défendre la Suède », explique un journal suédois, qui précise que « les soldats seront vus dans tout le pays, c’est à dire dans les ports, les aéroports, les rues et les places. »
Photos : Ministère suédois de la Défense