La Corée du Nord pourrait annuler le sommet avec les États-Unis si elle doit renoncer unilatéralement à son arsenal nucléaire

En diplomatie, chaque phrase doit être pesée, mesurée et prononcée avec prudence. Et encore, cela ne réduit pas le risque de se faire mal comprendre… Le 27 avril, lors du sommet « historique » intercoréen de Panmunjom, le nord-coréen Kim Jong-Un et le sud-coréen Moon Jae-in ont pris l’engagement d’oeuvrer à la « dénucléarisation totale » de la péninsule coréenne.

Comme la Corée du Sud ne dispose pas d’armes nucléaires (mais elle bénéficie du « parapluie nucléaire » américain) et que la Corée du Nord a passé ces 30 dernières années à en développer, l’on pouvait penser que Pyongyang allait abandonner ce qui constitue l’assurance-vie de son régime.

Toutefois, quelques jours avant le sommet de Panmunjom, il n’était absolument pas question pour les responsables nord-coréens de s’engager dans cette voie. Au plus avaient-il annoncé la suspension des essais nucléaires, considérant qu’ils n’en avaient plus besoin étant donné que, selon eux, le « travail pour installer des ogives nucléaires sur des missiles balistiques était terminé. »

Le fait est. Selon le site spécialisé 38 North, la Corée du Nord a déjà commencé le démantèrement des installations de Punggye-ri, où elle a réalisé 6 essais nucléaires. Ce travail serait à un stade « bien avancé », à en croire l’imagerie satellitaire. Ainsi, plusieurs bâtiments importants ont été rasés et l’excavation d’un nouveau tunnel est à l’arrêt. Une cérémonie marquant leur fermeture définitive est prévue le 25 mai.

Pour autant, le démantèlement de Punggye-ri, qui devra encore être vérifié et confirmé par des inspections internationales, ne veut pas dire que la Corée du Nord renonce à son arsenal nucléaire.

Aussi, la déclaration que vient de faire, ce 16 mai, Kim Kye Gwan, le ministre adjoint nord-coréen des Affaires étrangères, n’est pas très surprenante. Alors que sommet entre Kim Jong-un et le président américain, Donald Trump, doit se tenir à Singapour, le 12 juin prochain, il a prévenu que son pays pourrait finalement ne pas y participer.

En effet, a-t-il dit, selon l’agence officielle KCNA, si l’administration américaine « nous met au pied du mur et exige unilatéralement que nous renoncions à l’arme nucléaire, nous n’aurions plus d’intérêt pour des discussions et nous devrions reconsidérer la question de savoir s’il faut accepter le sommet à venir entre la Corée du Nord et les États-Unis. »

Pour rappel, la diplomatie américaine exige la « dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible » de la Corée du Nord. Ce qui est logique si la péninsule coréenne doit être « totalement » dénucléarisée.

« Nous avons déjà exprimé notre disposition à établir une péninsule coréenne dénucléarisée et déclaré maintes fois que les États-Unis doivent mettre un terme à leur politique hostile envers la Corée du Nord et à leurs menaces nucléaires comme conditions préalables », a ensuite précisé le ministre adjoint nord-coréen.

A priori, Pyongyang exigerait que les États-Unis mettent un terme à la protection de la Corée du Sud, via leur contingent de 28.500 militaires et leur parapluie nucléaire.

Par ailleurs, les propos de John Bolton, le conseiller de M. Trump pour les questions de sécurité nationale, ont été mal accueillis à Pyongyang. Et pour cause! Lors d’un entretien donné à la chaîne Fox News, fin avril, il a fait le parallèle avec la Corée du Nord et l’abandon du programme nucléaire libyen, en décembre 2003. « Il y a évidemment des différences : le programme libyen était beaucoup plus modeste, mais c’était essentiellement l’accord que nous avions conclu », avait-il dit.

Il s’agit d’une « tentative hautement sinistre de faire subir à la Corée du Nord le sort de la Libye et de l’Irak », a commenté Kim Kye Gwan. Selon lui, la Corée du Nord « doute que les États-Unis veuillent vraiment améliorer les relations avec la Corée du Nord au moyen du dialogue et de la négociation. »

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