Pour un responsable de l’ONU, il faudra encore du temps pour éliminer le groupe jihadiste Boko Haram
Début janvier, le président nigérian, Muhammadu Buhari, avait une nouvelle fois assuré que son pays en avait « fini avec Boko Haram », le groupe jihadiste à l’origine d’une insurrection qui a fait plus de 20.000 tués depuis 2009 dans le nord-est du Nigéria et dans plusieurs pays de la région du Lac Tchad.
Il faut dire que Boko Haram venait alors de subir plusieurs revers grâce à l’action de la Force multinationale mixte (FMM), déployée depuis 2015 par le Nigéria, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Bénin. En outre, le groupe jihadiste s’était scindé en deux factions rivales, son chef historique, Abubakar Shekau ayant refusé de laisser les rênes à Abou Mosab al-Barnaoui, comme le lui avait demandé Abu Bakr al-Baghdadi, le « calife » autoproclamé de l’État islamique (EI ou Daesh), auquel il avait pourtant fait allégeance.
Cependant, un rapport du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel était alors loin de partager l’opinion du président nigérian étant donné qu’il constatait une recrudescence des attaques de Boko Haram au cours du dernier semestre de l’année 2017. Une recrudescence qu’il expliquait en partie par le retrait des soldats tchadiens de la FMM au Niger et par des « allégations de violations des droits de l’homme par le personnel de sécurité » qui auraient « compromis la coopération avec les communautés touchées et la collecte de renseignements. »
Près de six mois plus tard, la situation n’a pas évolué dans le bon sens. En avril, la FMM a ainsi subi des pertes importantes face aux factions de Boko Haram, avec 22 soldats tués et 75 autres blessés. Le 27 avril, les jihadistes ont même lancé un nouvel assaut contre la ville de Maiduguri, avec une centaine de combattants, d’après ne note des services de sécurité nigérians. Quant aux attentats suicides, ils n’ont jamais vraiment cessé, l’un des derniers en date, commis à Mubi, ayant fait au moins 86 victimes.
Aussi, Mohamed Ibn Chambas, le représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, n’est pas très optimiste. « Boko Haram a prouvé qu’il était un groupe résistant… Je pense qu’il faudra du temps pour totalement l’éliminer », a-t-il déclaré, le 8 mai, à l’AFP, en marge d’un sommet régional du Lac Tchad à Maiduguri.
« Ce que nous voyons, c’est que Boko Haram fait désormais partie du réseau international du terrorisme », a précisé M. Chambas. « Tant qu’ils [les jihadistes] ne sont pas totalement vaincus, ils sont évidemment présents dans certaines zones », a-t-il ajouté. Et il est probable qu’ils contrôlent toujours certains secteurs dans les États nigérians de Yobe et de Borno. « Nous ne pouvons pas considérer le succès comme acquis et présupposer qu’ils ont été totalement vaincus », a-t-il insisté.
Seulement, la réponse militaire ne suffira pas pour éradiquer les groupes jihadistes dans le nord du Nigéria dans la mesure où cette région fait partie des plus pauvres et des moins scolarisées du Nigéria et qu’elle ne profite pas de la manne pétrolière du pays. En outre, mais si la question fait débat, il y a aussi une dimension ethnique, Boko Haram étant accusé de recruter parmi les Kanouris, lesquels sont présents dans l’extrême-nord du Cameroun et au Niger.