Face aux sous-marins russes, l’US Navy réactive sa 2e Flotte, dédiée à l’Atlantique Nord

Depuis plusieurs années, l’activité opérationnelle de la flotte sous-marine russe n’a cessé de s’intensifier pour retrouver un niveau proche de celui qui était le sien durant la Guerre Froide. En 2016, les sous-marins russes ont ainsi passé plus de 3.000 jours en mer, soit autant que pendant l’ère soviétique.

En outre, Moscou a fait un effort particulier dans le domaine des sous-marins, avec la mise au point de nouvelles classes de submersibles à propulsion nucléaire (Boreï et Iassen) et conventionnelle (Lada, Improved Kilo). Par rapport à leurs prédécesseurs, ces nouveaux bâtiments disposent de meilleurs systèmes de combat, de capacités accrues et d’un rayon d’action plus important, ce qui leur donne évidemment davantage de marge opérationnelle. Et leurs équipages seraient mieux formés et entraînés que par le passé.

Par ailleurs, Moscou a mis l’accent sur le renforcement de deux de ses flottes, à savoir celles du Nord et de la mer Noire. La première concerne l’Atlantique Nord tandis que la second ouvre l’accès de la Méditerranée. Et cela n’est pas surprenant quand l’on sait que l’Arctique, région qui suscite un intérêt particulier en raison de sa position stratégique (nouvelles routes maritimes) et de ses ressources naturelles, est une priorité pour le Kremlin.

« La Russie a beaucoup investi dans sa marine, en particulier dans les sous-marins. Depuis 2014, treize autres submersibles ont été livrés. Les activités sous-marines russes sont maintenant au plus haut niveau depuis la (fin de la) Guerre froide. Ces sous-marins opèrent partout dans l’Atlantique et encore plus près de nos côtes« , a ainsi résumé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, dans un entretien donné en décembre 2017 au Frankfurter Allgemeinen Sonntagszeitung (FAS).

Qui plus est, la marine russe s’intéresserait particulièrement aux câbles sous-marins assurant les communications numériques, par lesquels transitent 97% des communications mondiales et l’essentiel des transactions financières. En un mot, leur sabotage dans le cadre d’une crise ou d’un conflit aurait des conséquences économiques incalculables.

« Nous voyons maintenant des activités sous-marines russes à proximité de ces câbles comme nous n’en avons jamais observé », a récemment assuré l’amiral Andrew Lennon, le chef des forces sous-marines de l’Otan, évoquant une « posture navale agressive » de la part de Moscou.

Côté russe, la nouvelle doctrine navale promulguée par le président Poutine, en juillet 2017, dénonce les efforts « d’une série d’Etats visant à limiter l’accès de la Russie aux ressources de l’océan mondial et aux lignes de communications maritimes majeurs », y compris en Arctique, ainsi que l’intensification de l’activité des « grandes puissances navales » dans le voisinage des eaux russes (c’est à dire les manoeuvres de l’Otan dans la Baltique, dans le Grand Nord et en mer Noire).

Quoi qu’il en soit, dans ce contexte, l’Atlantique Nord retrouve l’intérêt qu’on pouvait lui porter lors de la Guerre Froide.

USS Virginia (SSN-774)
[Photo : General Dynamics Electric Boat]

Ainsi, l’Islande, dont celui qui en a le contrôle « a dans les mains un revolver pointé sur l’Angleterre, les Etats-Unis et le Canada » pour reprendre la formule du géopoliticien allemand Karl Haushofer, est de nouveau une certaine importance stratégique, illustrée par le projet d’y déployer des d’avions de patrouille maritime américains P-8 Poseidon.

En novembre 2017, l’Otan a annoncé la création d’un commandement dédié à la protection des routes maritimes dans l’Atlantique-Nord, à l’image de l’ex-Commandement allié Atlantique (SACLANT), dissous en 2003. Cette mesure vise à permettre l’envoi de renforts américains et canadiens dans le cas d’un conflit impliquant les pays baltes, ces derniers s’estimant menacés par la Russie.

Enfin, la dernière initiative en date a été annoncé le 4 mai par l’amiral John Richardson, le chef des opérations de l’US Navy, lors d’une cérémonie organisée sur la base navale de Norfolk. Ainsi, la 2e Flotte de la marine américaine va être bientôt réactivée, alors qu’elle avait été dissoute en 2011 dans le cadre d’une réorganisation militaire, alors justifiée par des raisons budgétaires.

« Nous voilà de retour à une ère de concurrence entre grandes puissances, où l’environnement sécuritaire est confronté à des défis plus complexes. […] C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui sur la 2e Flotte pour s’attaquer à ces défis, en particulier dans le nord de l’Atlantique », a expliqué l’amiral Richardson.

Pendant la Guerre Froide, la 2e Flotte a tenu un rôle très important. Elle fut notamment sollicitée pour le blocus de Cuba pendant la crise des missiles de 1962 ou encore pour l’opération Urgent Fury, à Grenade, en 1983. Au moment de sa dissolution, elle supervisait 126 navires, 4.500 aéronefs et 90.000 marins.

D’après les précisions données par l’US Navy, l’état-major de cette 2e Flotte sera mis sur pied d’ici le 1er juillet, avec des effectifs passant « graduellement » de 15 à 250 marins, dont 85 officiers.

Par ailleurs, s’agissant de la Méditerranée, les responsables de la marine américaine envisagent d’y maintenir un groupe aéronaval permanent afin d’y contrer les activités navales russes.

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