La violation par Damas de la résolution 2118 des Nations unies justifie les frappes, selon M. Le Drian
Le 12 avril, lors d’une audition au Congrès, le chef du Pentagone, James Mattis, avait admis ne pas avoir encore de preuves sur l’implication du régime syrien dans l’attaque chimique ayant visé Douma cinq jours plus tôt. Finalement, le lendemain, la diplomatie américaine a assuré en avoir, comme, du reste, le président Macron.
« L’attaque a eu lieu samedi et nous savons avec certitude qu’il s’agissait d’une arme chimique », a en effet affirmé Heather Nauert, la porte-parole du département d’État, le 13 avril. Interrogée pour savoir si les États-Unis en avaient la preuve, cette dernière a répondu : « oui. Nous savons qu’il n’y a que certains pays comme la Syrie qui ont les moyens adéquats et ce type d’armes. »
Pour autant, Mme Nauert a indiqué qu’il n’était pas question de rendre ces preuves publiques, expliquant que les États-Unis avaient leurs « propres sources » et qu’un « tas de ces choses sont classifiées ». Probablement qu’il s’agit, comme l’a rapporté NBC News, d’échantillons biologiques prélevés sur les victimes. Leur analyse a « suggéré la présence de chlore et d’un agent neurotoxique » non identifié, ont en effet affirmé deux responsables proches du renseignement américain.
Ces prélèvements biologiques auraient été obtenus auprès des hôpitaux par des « moyens de renseignement américains ou étrangers sur le terrain », ont-ils dit, alors que, dans le même temps, le ministère russe de la Défense produisait le témoignage de deux individus qui, présentés comme étant des médecins, ont affirmé que l’attaque chimique de Douma n’avait été qu’une « mise en scène ». Le souci est que l’un d’entre eux parle d’un bombardement ayant eu lieu le 8 avril, alors que les faits se sont produits la veille.
Quoi qu’il en soit, peu après les frappes ayant visé les sites impliqués dans le programme syrien d’armes chimiques, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que « l’utilisation de l’arme chimique dans la ville de Douma, près de Damas, le 7 avril, au cours d’une offensive des forces du régime de Bachar el-Assad est à la fois avérée et imputable au régime syrien. » Et d’ajouter : Cette attaque a fait des dizaines de victimes, au moins 45 selon des sources médicales convergentes présentes sur place […] et des centaines de blessés. La ligne rouge fixée par le président de la République en mai 2017 a donc été franchie. »
Pour le chef de la diplomatie française, l’opération menée par les forces françaises, américaines et britanniques est donc « légitime », « proportionnée et ciblée. » Qui plus est, a-t-il dit, « l’escalade chimique n’est pas acceptable » dans la mesure où la « fabrication et l’utilisation de ces armes représentent une menace pour la paix et la sécurité internationale. »
Et M. Le Drian d’insister en soulignant que « l’emploi de ces armes de terreur transgresse les conventions parmi les plus anciennes », dont le protocole de 1925 prohibant l’emploi à la guerre d’armes chimiques. En outre, a-t-il ajouté, le régime syrien « savait à quoi il s’exposait » en utilisant « ces armes odieuses […] contre son peuple. »
Sur le plan du droit international, cette opération se justifie par la violation, par Damas, de la résolution 2118 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en septembre 2013, c’est à dire après l’engagement pris par le régime syrien de renoncer à son arsenal chimique et d’adhérer à la Convention internationale d’interdiction des armes chimiques de 1993.
À l’époque, les États-Unis et la France avaient envisagée une opération militaire pour répondre à une attaque chimique ayant visé la Ghouta, en août de cette année-là. Des négociations entre des diplomates russes et américains avaient alors abouti à cette résolution 2118, dont l’article 21 stipule « qu’en cas de non-respect de la présente résolution, y compris de transfert non autorisé ou d’emploi d’armes chimiques par quiconque en République arabe syrienne », le Conseil de sécurité « imposera des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies », lequel autorise l’uage de la force.
« Le chapitre VII a un sens clair, c’st le recours à des mesures militaires pour contraindre ceux qui menacent la paix et la sécurité internatonale », a donc fait valoir M. Le Drian.
Par ailleurs, le président Macron a indiqué que « conformément à l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Parlement sera informé et un débat parlementaire sera organisé, suite à cette décision d’intervention de nos forces armées à l’étranger. »
L’article 35 de la Constitution précise en effet que « le gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis » et que « cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. »
En revanche, si cette intervention dure plus de quatre mois, alors le gouvernement « soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement » et peut « demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. »