L’entraînement des pilotes du porte-avions Charles de Gaulle va bientôt commencer aux États-Unis

Le 5 septembre 1781, dans la baie de Chesapeake, en Amérique du Nord, les 24 vaisseaux de la marine royale française commandés par le comte François de Grasse infligèrent l’une des rares défaites subies par la Royal Navy au XVIIIe siècle (voire au XIXe siècle…). Cette victoire remportée fut décisive dans la mesure où elle permit la chute de Yorktown, laquelle aboutira à la signature du traité de Paris qui reconnaîtra l’indépendance des États-Unis.

Aussi, il n’est pas surprenant que la mission visant à déployer, en Virginie, 350 marins (pilotes, préparateurs de missions, mécaniciens et personnels du pont d’envol) du groupe aérien embarqué (GAé) du porte-avions Charles de Gaulle ait reçu le nom de « Cheasapeake » (quitte à froisser l’ego des Britanniques).

En effet, dans le cadre de la remontée en puissance du Charles-de-Gaulle, dont la rénovation à mi-vie doit se terminer d’ici l’été prochain, le Carrier Air Wing 8 de l’US Navy, installé à la Naval Air Station (NAS) Oceana, en Virginie, accueille 12 Rafale M tandis qu’un E2-C Hawkeye de la flottille 4F a été reçu à la NAS Chambers.

L’opération Chesapeake a demandé une « manœuvre de convoyage d’ampleur, conçue comme une projection opérationnelle », a précisé la Marine nationale, qui doit compter sur trois avions-ravitailleurs C-135FR de l’armée de l’Air pour permettre aux 12 Rafale M d’arriver à bon port. Le Hawkeye, qui ne peut pas être ravitaillé en vol, a dû emprunter une route passant par le Royaume-Uni, l’Islande, le Groenland et le Canada.

Ce déploiement de la chasse embarquée aux États-Unis a deux objectifs. En premier lieu, il s’agit aux pilotes des flottilles 11F, 12F et 17F, équipées de Rafale M, de maintenir leurs qualifications opérationnelles. Puis d’accroître l’interopérabilité avec l’US Navy.

Depuis que le porte-avions Charles de Gaulle est en cale sèche, les pilotes de la chasse embarquée ont certes « gardé la main » en s’entraînant sur la terre ferme et en participant, depuis la base H5 en Jordanie, aux opérations aériennes menées dans le cadre de l’opération Chammal, au Levant.

Seulement, « apponter n’est pas un sport de masse », comme si bien dit le contre-amiral René-Jean Crignola. D’où la raison d’être de ce déploiement aux États-Unis, qui se déroulera selon deux phases : une première à terre (entre le 3 avril et le 8 mai) et une seconde à bord du porte-avions USS George H.W Bush (jusqu’au 18 mai, au large de Norfolk). Au total, 180 exercices sont au programme.

« Le niveau d’exigence des missions aériennes ira crescendo afin d’atteindre une interopérabilité complète sur l’ensemble des missions dévolues aux aéronefs embarqués, y compris la mise en œuvre depuis un pont d’envol », résume la Marine nationale.

S’agissant de l’interopérabilité, il s’agira de faire la démonstration que l’aéronavale française est en mesure d’opérer dans un environnement opérationnel américain. « Nous voulons montrer que nous faisons l’entretien, démontrer que nous pouvons charger des armes. […] Aujourd’hui, nous sommes interopérables à 95% mais notre préoccupation est de savoir si nos marines seront capables de travailler ainsi dans 10 ans, dans 15 ans », avait récemment expliqué le capitaine de vaisseau Roux de Luze, l’attaché naval français en poste à Washington.

Au sujet des capacités aéronavales, le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck, a récemment précisé que l’aéronautique navale compte actuellement une « cinquantaine de pilotes confirmés » pour 42 Rafale M.

« Je ne pourrai augmenter le nombre d’avions que si j’augmente le nombre de pilotes. Le renouvellement de ces avions débutera en 2030, et nous commencerons à en discuter en 2025 », a dit le CEMM, lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

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