Avions de combat : Une étude de Lockheed-Martin met le gouvernement belge dans l’embarras

Faut-il garder un téléviseur en noir et blanc et faire l’économie de passer à la couleur au motif que ce dernier fonctionne encore parfaitement et qu’il a encore du « potentiel »? Ou doit encore garder un vieux PC Amstrad 1512 pour les mêmes raisons parce que, en plus, on lui a intégré un disque dur de 512 ko en 1995? Poser ces questions peut sembler absurde. Et pourtant, elles sont au même niveau que celles soulevées par certains responsables politiques belges au sujet du remplacement des F-16 de leur force aérienne.

Le gouvernement belge a lancé le programme ACCap (Air Combat Capability) en vue d’acquérir 34 nouveaux avions de combat afin de remplacer les 60 avions F-16 MLU encore en service pour un environ 3,6 milliards d’euros. Trois concurrents sont en lice : Lockheed-Martin (F-35A) et le consotium Eurofighter (Typhoon), qui ont répondu à un appel d’offres lancé par Bruxelles ainsi que Dassault Aviation, qui fait une proposition dans le cadre d’un partenariat stratégique défendu par le gouvernement français.

Acquis au début des années 1980, les F-16, par ailleurs très sollicités ces dernières années, doivent être retirés du service à partir de 2023. Certes, ces appareils ont connu des mises à jour régulières. Mais leur potentiel s’amenuise. En outre, il s’agit aussi de faire en sorte que l’aviation belge ne soit pas « décrochée » par rapport à ses homologues europénnes. Enfin, il est aussi question de permettre à la Belgique de remplir ses obligations vis-à-vis de ses alliés.

Seulement, le programme ACCap ne fait pas l’unanimité parmi la classe politique belge… Et un memo de Lockheed-Martin, fabricant du F-16 et candidat à l’appel d’offres, leur a donné du grain à moudre.

Ainsi, dans ce document rédigé en avril 2017 et évoqué par la presse d’oute-Quiévrain, l’industriel américain estime que la durée de vie des F-16 belges pourrait être prolongée de quelques années. « L’avion moyen peut voler au ­delà des 8.000 [heures de vol]. En moyenne, l’avion peut rester en service pendant six ans de plus », y est-il affirmé. En clair, leur remplacement pourrait être envisagé en 2029…

La réaction de certains responsables politiques n’a pas traîné. Le chef de file des socialistes flamands, John Crombez, a plaidé pour suspendre la procédure ACCap, estimant que ce dossier a été « manipulé ». Et d’accuser le ministre de la Défense, Steven Vandeput, « d’avoir clairement dit des choses qui ne sont pas correctes. »

Les parti Écolo va plus loin encore. « Soit le ministre ne connaissait pas l’existence de cette étude, et donc il navigue à vue dans un marché estimé à 15 milliards sur 40 ans; soit le ministre savait et a volontairement caché une information cruciale aux parlementaires qui l’ont interrogé à ce sujet une dizaine de fois depuis un an », a affirmé le député Benoit Hellings, qui demande l’annulation pure et simple de l’appel d’offres. « Les Belges ont bien d’autres atouts et de projets à financer à hauteur de 15 milliards », a-t-il estimé.

Quant à M. Vandeput, il se défend d’avoir été mis au courant de l’existence ce memo. « J’apprends qu’un tel rapport existerait. Je n’ai pas encore pu en prendre connaissance. Je souhaite à présent d’abord savoir ce que ce rapport indique, quelles sont les implications et pourquoi il est resté dans le giron de la Défense », a-t-il affirmé, ce 20 mars.

Pour autant, M. Vandeput refuse de céder à la pression des opposants à l’achat de nouveaux avions de combat. « Cette procédure doit continuer », a-t-il affirmé. « Mais si les éléments mis au jour devaient être avérés, le gouvernement devrait en tenir compte dans sa décision », a-t-il ajouté.

En attendant, le Premier ministre belge, Charles Michel, a demandé l’ouverture d’une enquête interne au ministère de la Défense pour identifier le commanditaire de l’étude réalisée par Lockheed-Martin sur la prolongation des F-16 et savoir qui en connaissait l’existence.

Quoi qu’il en soit, cette affaire survient alors que le député Veli Yüksel, membre parti CD&V (Chrétiens-démocrates et flamands), a proposé d’acquérir des F-16 d’occasion ayant plus de potentiel que ceux actuellement utilisés par la force aérienne belge. « Cette piste permettrait d’avoir du temps et d’obtenir plus de marge de manoeuvre afin de prendre la meilleure décision concernant cet investissement », a-t-il expliqué, le 6 mars dernier.

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