Paris demande à Moscou de « reprendre en main fermement » les armes chimiques « qui n’auraient pas été déclarées »

Ces derniers jours, la Russie a répondu aux sanctions prises à son endroit par le Royaume-Uni dans le cadre de l’affaire Skripal, en expulsant à son tour 23 diplomates britanniques, en ordonnant l’arrêt des activités du British Council sur son territoire et en retirant un accord relatif à l’ouvertue d’un consulat à Saint-Pétersbourg.

Pour rappel, la semaine passée, Londres avait décidé de sanctionner Moscou, en accusant les autorités russes d’être derrière la tentative d’assassinat du colonel Segueï Skripal, un ex-officier du renseignement militaire russe réfugié au Royaume-Uni (précisément à Salisbury) depuis 2010 après avoir été condamné par la justice de son pays en raison de ses liens avec le MI-6.

Lors de l’enquête, (et grâce à spectrométrie de masse), les services britanniques ont déterminé qu’une substance appartenant à la famille des agents « Novichok », mis au point en Union soviétique dans les années 1970/1980, a été utilisée contre l’ex-officier de renseignement russe et sa fille, qui était venue lui rendre visite. Un policier a également été touché.

Depuis, la Russie dément catégoriquement toute responsabilité dans cette affaire. Le 17 mars, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a ainsi suggéré qu’il faudrait chercher les coupables en République tchèque, en Slovaquie et en Suède…

« La source la plus probable de cette attaque chimique sont les pays qui, depuis la fin des années 90 et encore à l’heure actuelle, mènent d’intenses recherches sur les substances du projet ‘Novitchok’. Ces pays, ce sont la Grande-Bretagne, la Slovaquie, la République tchèque, la Suède. Au sujet des Etats-Unis, il faut aussi se poser la question », a en effet affirmé Mme Zakharova.

Les pays concernés ont vivement réagi à ces propos. « Accusation absurde » pour la ministre tchèque de la Défense, Karla Slechtova ainsi que pour le Jiri Ovcacek, le porte-parole du président Milos Zeman, qui affiche pourtant de la sympathie pour M. Poutine. « Rejette avec force allégation inacceptable et infondée de la porte-parole du MAE russe selon laquelle l’agent neurotoxique utilisé à Salisbury puisse venir de Suède. La Russie devrait plutôt répondre aux questions du Royaume-Uni », a répondu Margot Wallström, la ministre suédoise des Affaires étrangères.

Cela étant, et alors qu’il venait d’être réélu avec plus de 75% des voix, le président Poutine a évoqué l’affaire Skripal et les accusations britanniques contre Moscou. « Que quelqu’un puisse penser qu’en Russie quelqu’un se permettrait de faire de telles choses juste avant l’élection et la Coupe du monde de football, c’est absurde, du grand n’importe quoi », a-t-il dit. « C’est tout simplement inimaginable », a-t-il insisté.

« La première chose qui me vient à l’esprit, c’est que s’il s’était agi d’un poison militaire, les gens seraient morts sur le coup. C’est évident » et « la deuxième chose, c’est que la Russie ne dispose pas de ce type de moyen. Nous avons détruit toutes nos armes chimiques sous la supervision d’observateurs internationaux », a affirmé M. Poutine. « Nous avons été les premiers à le faire, contrairement à certains de nos partenaires qui l’ont promis, mais qui doivent malheureusement encore tenir leurs promesses », a-t-il ajouté.

M. Poutine a-t-il dit la même chose à Emmanuel Macron, son homologue français, lors de l’entretien téléphonique qu’il a eu avec ce dernier, ce 19 mars?

Au cours de ce dialogue, assure l’Élysée, M. Macron a en effet « adressé à la Russie et au peuple russe, au nom de la France, ses vœux de succès pour la modernisation politique, démocratique, économique et sociale du pays » et « rappelé son attachement à un dialogue constructif entre la Russie, la France et l’Europe. »

Mais ensuite, le président français a abordé les sujets de fâcherie, en faisant part à son homologue russe « de sa grande préoccupation sur la situation tant dans le canton d’Afrin que dans la Ghouta orientale. » Et il a de nouveau appelé Moscou « à faire ses meilleurs efforts pour que cessent les combats et les pertes civiles ». S’agissant de l’Ukraine, il a répété que la France restait fermement attachée au plein rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, et à la mise en œuvre effective, au plus vite, des accords de Minsk.3

Puis M. Macron a abordé l’affaire Skripal, en appelant « les autorités russes à faire toute la lumière sur les responsabilités liées à l’inacceptable attaque de Salisbury » et « à reprendre en main fermement d’éventuels programmes qui n’auraient pas été déclarés à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. » Enfin, il a informé M. Poutine « des mesures prises pour assurer la sécurité » des Français.

Qu’a répondu le chef du Kremlin? Le communiqué de la présidence russe relatif à cet échange avec le président français ne donne pas de détails, si ce n’est qu’il y est rapporté que « la partie russe attire l’attention sur le caractère non fondé des accusations portées contre la Russie » et qu’elle « confirme la volonté de mener des enquêtes conjointes sur ce qu’il s’est passé » à Salisbury.

En attendant, des experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) vont analyser des échantillons de la la substance utilisée pour empoisonner l’ex-colonel Skripal et sa fille. Ces prélèvements seront « testés dans les laboratoires internationaux les plus réputés », assuré Boris Johnson, le chef de la diplomatie britannique. Ce dernier a également affirmé que le Royaume-Uni disposait de « preuves que la Russie a non seulement cherché à développer des agents innervants à des fins d’assassinat ces dix dernières années, mais a aussi fait des réserves d’agents Novitchok. »

Par ailleurs, Londres envisagerait également de prendre d’autres mesures pour sanctionner indirectement le Kremlin. Il s’agirait en effet de durcir l’arsenal juridique pour lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent.

« Ce que les gens veulent voir, c’est pour que certains de ces gens très riches qui sont directement associés à Vladimir Poutine, dont la richesse peut être attribuée à leurs relations avec Vladimir
Poutine, la police soit en mesure de s’interroger sur cette richesse inexpliquée, qu’elle les traduise en justice pour leurs actes de corruption flagrante », a expliqué M. Johnson à la BBC, le 15 mars.

Photo : © Présidence de la République – F. Lafite

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