Le Pdg de Nexter voit dans le futur char de combat franco-allemand une opportunité pour faire avancer la défense européenne

Si le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 précise que des « des études seront en outre initiées afin de préparer le remplacement du char Leclerc par de nouveaux systèmes de combat [MGCS pour « Main Ground Combat System »] dans le cadre d’une coopération européenne, notamment franco-allemande, il n’évoque pas le projet CIFS (Common Indirect Fire System), qui vise à développer un nouveau système d’artillerie devant remplacer les CAESAr et les LRU de l’armée de Terre ainsi que les PzH 2000 de la Bundeswehr.

Pourtant, ces deux programmes font l’objet d’études technico-opérationnelles réalisées par l’ISL, c’est à dire l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis.

En toute logique, il reviendra à la co-entreprise KNDS, formée par l’allemand Krauss-Maffei Wegmann et le français Nexter Systems à conduire ces deux projets, qui auront sans doute des enjeux qui dépasseront leurs seules capacités opérationnelles.

En effet, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, Stéphane Mayer, le Pdg de Nexter, le char de combat franco-allemand et le programme CIFS seront « non seulement importants pour KNDS maus aussi pour la construction européenne de défense », dans la mesure où ils répondront à des « besoins capacitaires et stratégiques européens majeurs » à l’horizon 2030.

Selon une étude réalisée par KNDS et citée par M. Mayer, il y aurait 8.000 chars et 3.500 systèmes d’artillerie actuellement en service au sein des forces armées européennes. Or, la question de leur renouvellement se posera d’ici quelques années.

D’où l’opportunité que KNDS entend bien saisir, d’autant plus que la majorité de ces équipements n’ont pas été conçus et fabriqués par des entreprises européennes [compendre : appartenant à l’Union européenne, ndlr]. Par exemple, de nombreux pays de l’ex-Pacte de Varsovie ont conservé leurs chars hérités de la période soviétique.

« Nous avons donc une opportunité unique de proposer des programmes européens qui vont s’inscrire au coeur de la coopération européenne de défense », a plaidé M. Mayer, qui, grâce à des équipements uniques, imagine même plusieurs possibilités de mutualisation (au niveau de la maintenance, par exemple) et d’amélioration de l’interopérabilité.

Cela étant, plusieurs armées européennes disposent actuellement du même type de char. En effet, le Leopard 2 allemand est (ou a été) en service en Allemagne (évidemment), en Espagne, en Autriche, en Finlande, en Grèce, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suède et au Portugal.

Quoi qu’il en soit, les programmes MGCS et CIFS sont encore dans les cartons, même si un prototype du successeur du Leclerc et du Leopard 2 devrait être prêt en 2020. Pour qu’ils puissent aboutir, M. Mayer a insisté sur la nécessaire « forte volonté » des gouvernements français et allemand.

Sans cette dernière, il sera en effet difficile de trouver des réponses aux quatres questions que soulèvent ces deux programmes. Il faudra que les deux parties se mettent d’accord sur la convergence de leurs besoins respectifs, l’organisation industrielle, le modèle de coopération et l’export. Sur ce point, M. Mayer a souligné la « nécessité d’arriver à un accord préalable sur une base aussi large que possible en matière d’autorisations d’export. »

Devant la même commission, le Délégué général pour l’armement (DGA), Joël Barre, a fait part de ses préoccupations au sujet des règles relatives à l’exportation d’équipements militaires conçus dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne.

 » En ce qui concerne les exportations, il est en effet fondamental, dès lors que nous voulons promouvoir la coopération européenne en matière de défense, que les règles d’exportation des différents partenaires soient harmonisées, pour ne pas dire identiques. Il est vrai que, sur ce point, nous pouvons avoir des inquiétudes lorsque nous lisons le contrat de la große Koalition que nos amis allemands sont en train de négocier. Il est donc fondamental que nous le clarifiions et que nous nous accordions sur les règles d’exportation, car ils veulent manifestement s’imposer des contraintes qui ne sont pas les nôtres », a en effet expliqué M. Barre.

« C’est un sujet-clé : on ne peut pas développer la coopération européenne si les différents pays n’ont pas des règles d’exportation homogènes. […] Cette question doit donc faire l’objet d’un dialogue politique, car il s’agit d’une question d’abord politique ; c’est d’ailleurs ainsi que les Allemands l’envisagent, me semble-t-il. Il faut que nous parvenions à un accord et que nous veillions à ce que des règles d’exportation ne soient pas inventées à Bruxelles », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, pour le Pdg de Nexter, il n’y a pas de temps à perdre si l’on veut que ces chars et systèmes d’artillerie soient disponibles à l’horizon 2030/2035, c’est « dès maintenant qu’il faut commencer par étudier, et donc financer, les briques technologiques et les différents démonstrateurs qui seront les premières étapes de ces programmes européens », a-t-il dit.

« Le marché européen est tout à fait considérable. Et c’est donc une opportunité extrêmement importante aussi bien pour nos armées, pour l’Europe de la Défense mais aussi pour l’entreprise [KNDS] », a insisté M. Mayer.

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