Une coopération franco-allemande pour développer un nouvel avion de combat est loin d’être acquise

À l’horizon 2035, l’armée de l’Air devrait mettre en service le Système de combat aérien du futur (SCAF), qui combinera un ensemble de moyens, dont des avions de combat, des drones, des capteurs et des missiles. Ce programme est pour le moment scindé en deux parties.

La première porte sur le développement d’un drone de combat, en collaboration avec les Britanniques. Appelé FCAS-DP (Future Combat Air System Demonstration Program), ce projet a été lancé en mars 2016, après avoir fait l’objet d’une étude de faisabilité confiée deux ans plus tôt à Dassault Aviation et BAE Systems.

Le second volet du SCAF concerne la mise au point d’un nouvel avion de combat. En juillet 2017, la France et l’Allemagne ont annoncé une « feuille de route » afin d’organiser une coopération industrielle à cette fin. Reste donc maintenant à voir les concessions que les deux parties auront à consentir pour mener à bien ce projet… Si jamais il doit voir le jour.

En novembre dernier, Airbus fit part de son ambition de conduire ce programme de nouvel avion de combat. Ainsi, le Pdg de la filiale défense du groupe européen, Dirk Hoke, afficha clairement la couleur dans une tribune publiée par la lettre spécialisée allemande Griephan Briefe.

« Dans l’hypothèse où la volonté politique nécessaire est là, Airbus propose de conduite la coopération avec ses partenaires européens et de façonner ainsi cet aspect de notre futur européen commun », avait-il écrit, estimant qu’Airbus Defence & Space, dont les implantations sont principalement en Allemagne, devait même être le « chef de file pour un projet de cette nature. »

Cette intervention de M. Hoke était avant tout un message politique, l’état-major de la Luftwaffe [force aérienne allemande, ndlr] n’ayant pas fait mystère de son intérêt pour le F-35 américain afin de remplacer ses Panavia Tornado. Depuis, l’incertitude demeure à Berlin, même si l’option d’une commande d’Eurofighter Typhoon supplémentaires semble tenir la corde.

Quoi qu’il en soit, le SCAF, a rappelé Florence Parly, la ministre des Armées, combinera « plusieurs éléments : des drones et drones de combat, des avions de chasse, une composante nucléaire – en bref, il englobe un ensemble de systèmes de communications et de connectivité ». Par conséquent, a-t-elle ajouté, lors d’un audition à l’Assemblée nationale, son « architecture est donc cruciale. »

Par ailleurs, la Marine nationale est elle aussi concernée par ce programme dans la mesure où elle doit préparer « l’après Rafale » pour armer son porte-avions. Cela supposera donc de développer une version navale du futur avion de combat du SCAF.

« Nous devons travailler à ce que sera le système de combat aérien du futur, qu’il s’agisse de l’avion – on peut difficilement imaginer que l’on se passe d’un avion de combat de nouvelle génération –, des armements, des liaisons de connectivité ou des moyens de commande-contrôle et, peut-être, des drones, destinés au renseignement, voire au combat », a résumé Joël Barre, le Délégué général pour l’armement, lors de son dernier passage devant les députés de la commission de la défense.

« Nous avons entamé, dès le mois de janvier dernier, avec les états-majors, la préparation d’une étude technique opérationnelle préalable, que nous avons décidé de réaliser dans le cadre d’une équipe intégrée, qui regroupe la DGA et les états-majors », a indiqué M. Barre.

Cette équipe a d’ores et déjà commencé ses travaux, avec l’objectif de réaliser « des études qui permettront de définir, à partir des menaces et de scénarios d’intervention, les caractéristiques techniques de ce système. » Pour cela, « nous nous appuierons sur des moyens de simulation, d’ingénierie système, que nous sommes en train de mettre sur pied avec les armées dans notre centre d’analyse technico-opérationnel de défense (CATOD) d’Arcueil », a expliqué le DGA.

Quant aux industriels, ils seront associés à ces travaux dans un second temps, « de manière à ce qu’eux-mêmes – en particulier Dassault, mais aussi Thales, Safran, MBDA et d’autres – apportent leurs capacités et leurs réflexions sur le sujet », a précisé M. Barre. Et on notera qu’il n’a pas cité Airbus.

En clair, ce nouvel avion de combat devra répondre au cahier des charges établi par la partie française. Qu’en dira Berlin? Pour le moment, l’Allemagne n’est pas associée aux travaux de la DGA.

Cela étant, a affirmé M. Barre, « nous avons donc proposé dès la fin de l’année dernière aux Allemands de se joindre à nous pour participer à cette étude technico-opérationnelle de définition du système de combat aérien du futur » et « nous leur avons indiqué très précisément quel était le contenu de l’étude, la façon dont nous voulions la mener et la manière dont nous pouvions nous associer. »

Seulement, a continué le DGA, Berlin n’a pour le moment pas donné de réponse à cette proposition. Sans doute que l’on y verra plus clair quand la nouvelle coalition que dirigera la chancelière Angela Merkel aura pris ses marques. Toutefois, les Britanniques pourraient être intéressés. « Ils veulent travailler avec nous, mais ils ont des accords avec les Américains. Ils s’interrogent donc. C’est pourquoi nous continuons de discuter », a précisé M. Barre.

Cependant, en matière de coopération européenne, les prochaines décisions allemandes seront déterminantes. « Si les Allemands achètent le F35, nous sommes mal partis pour la coopération future. Si nous essayons d’impulser cette coopération européenne, il faut que nos partenaires nous suivent. Les décisions que prendront, à court terme, les Allemands sur l’exportation ou encore sur le renouvellement du Tornado seront des signaux majeurs », a fait valoir M. Barre.

S’agissant des exportations d’armement, l’affaire semble pour le moment mal engagée. Comme le fit, avant lui, Mme Parly, le DGA a fait part de ses inquiétudes sur l’accord de la « große Koalition » négocié entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates allemands, lequel vise à imposer, dans ce domaine, des « des contraintes qui ne sont pas les nôtres. »

« C’est un sujet-clé : on ne peut pas développer la coopération européenne si les différents pays n’ont pas des règles d’exportation homogènes », a estimé M. Barre.

« L’exportation représente un tiers du chiffre d’affaires de notre industrie de défense. Celle-ci en a donc besoin, et nous avons nous-mêmes besoin pour garantir, par exemple, les chaînes de production de nos matériels. Cette question doit donc faire l’objet d’un dialogue politique, car il s’agit d’une question d’abord politique », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : « Il faut que nous parvenions à un accord et que nous veillions à ce que des règles d’exportation ne soient pas inventées à Bruxelles ».

Photos : Dassault Aviation – Ministère des Armées

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