Général Bosser : « L’armée ne peut calquer l’intégralité de son mode de fonctionnement sur celui du monde de l’entreprise »
Au cours de ces dernières années, la tentation d’appliquer aux militaires les recettes du monde de l’entreprise a été dans l’air du temps. Ainsi, lors des réformes conduites entre 2008 et 2013, il était question de « rééquilibrer le rapport ‘front office’ et ‘back office' », d’externalisations ou encore de « coeur de métier » (une notion d’économie d’entreprise qui impacte notamment la maîtrise des coûts et des processus).
Cette approche a conduit à remettre en cause le principe « un chef, une mission, des moyens », jusqu’alors fondamental au sein des armées, avec la création des bases de défense. Et le résultat n’a pas été heureux. Loin de là.
Dans une tribune publié par le Figaro (édition du 1er mars), le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Jean-Pierre Bosser, a remis les pendules à l’heure en rappelant la « singularité du métier de soldat ».
Ainsi, l’une des dimensions de la spécificité militaire est « organique », c’est à dire quelle « vise à faire de l’armée une organisation uniforme, hiérarchique et diversifiée, capable d’opérer de façon autonome dans un contexte de crise grave, voire de chaos total. » Aussi, pour le général Bosser, il est « donc illusoire de vouloir définir pour les militaires un ‘cœur de métier' » car « pour conserver une capacité d’agir lorsque plus rien ne fonctionne, le soldat-cuisinier sachant fournir du pain est aussi important que le soldat-fantassin qui sécurise une rue. »
Et d’ajouter : « C’est également la raison pour laquelle l’armée ne peut calquer l’intégralité de son mode de fonctionnement sur celui du monde de l’entreprise. La rationalité managériale n’y remplacera jamais le culte de la mission et l’exercice du commandement. »
Par ailleurs, le général Bosser a aussi rappelé qu’une autre des dimensions de cette spécificité a trait à « l’état militaire », c’est à dire à « l’ensemble des règles qui structurent et régissent la vie des militaires ». Avec un régime juridique « clairement distinct des autres travailleurs » et des obligations et autres sujétions « exceptionnelles », comme la disponibilité (à servir à tout moment et en tout lieu), la discipline et l’esprit de sacrifice, la Nation « doit pouvoir conserver la libre disposition de la force armée, sans préavis ni limite de durée, n’importe où, et pour tous types de missions. »
C’est pourquoi, a ajouté le CEMAT, les « opérations n’obéissent à aucune règle de limitation du temps de travail » et que « la mort au combat n’est pas un accident professionnel. »
Lire (si ce n’est pas déjà fait) : Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail