Syrie : Malgré le cessez-le-feu réclamé par l’ONU, l’offensive sur la Ghouta orientale se poursuit

Le 24 février, après plusieurs jours d’âpres négociations afin d’éviter un veto russe, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, à l’unanimité, la résolution 2401 réclamant un cessez-le-feu « sans délai » d’un mois en Syrie, afin de « permettre la livraison régulière d’aide humanitaire, de services et l’évacuation médicale des malades et blessés les plus graves ».

« Ce n’est pas un accord de paix sur la Syrie, le texte est purement humanitaire », a ainsi fait valoir Olof Skoog, l’ambassadeur suédois auprès des Nations unies et co-signataire avec son homologue koweïtien de cette résolution, qui a demandé deux semaines de négociations pour obtenir un accord avec la Russie.

« C’est un premier pas important qui doit permettre de porter secours aux populations en détresse, notamment dans la Ghouta orientale où des centaines de milliers de personnes sont assiégées par le régime et ses alliés. La France a agi avec détermination pour que la résolution 2401 permette de mettre fin aux bombardements indiscriminés, d’acheminer l’aide humanitaire aux populations vulnérables et d’organiser l’évacuation des blessés et des malades dont la situation l’exige. Elle sera à la fois active et vigilante pour que la trêve soit effectivement établie et respectée. Elle travaillera avec tous ceux qui peuvent y contribuer et prendra toute sa part à l’action humanitaire internationale », a commenté le ministère français des Affaires étrangères.

En outre, selon cette résolution, les groupe État islamique (EI ou Daesh), al-Qaïda et la coalition jihadiste Hayat Tahrir al-Cham sont exclus du cessez-le-feu, de même que, à la demande de la Russie, « d’autres individus, groupes, entités, associés » avec ces organisations ainsi que « d’autres groupes terroristes désignés par le Conseil de sécurité. »

Ce texte vise notamment à obtenir un arrêt des combats dans la région de la Goutha orientale qui, contrôlée par les rebelles syriens, fait l’objet depuis plus d’une semaine de bombardements aériens intenses effectués par l’aviation gouvernementale.

Située aux portes de Damas, cette enclave d’une centaine de kilomètres carrés et de 400.000 habitants fait partie des zones de désescalade mises en place pendant l’été 2017, suite à une accord conclu entre la Russie et certains groupes rebelles, dont Jaych al-Islam (L’armée de l’islam) et, plus tard, Faylaq al-Rahmane (la légion du tout miséricordieux). Si les combats baissèrent d’intensité par la suite, la situation humanitaire des civils ne s’en trouva pour autant améliorée.

Depuis le début de cette année, la reprise de la Ghouta orientale aux rebelles – qualifiés de terroristes, sans distinction, à Damas et à Téhéran, voire à Moscou – est l’une des priorités du régime syrien. D’où l’intensification des combats et des bombardements dans cette région, avec les civils pris entre deux feux.

Le 23 février, les principaux groupes rebelles présents dans la Ghouta orientale, savoir Jaich al-Islam, Faylaq al-Rahmane et Ahrar al-Cham, ont fait part de leur opposition à toute évacuation de civils. « Nous rejetons catégoriquement toute initiative qui prévoit la sortie des habitants de leur maison et leur transfert vers n’importe quel autre endroit », ont-ils fait valoir dans une lettre adressée à Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies.

D’essence salafiste, le Jaish al-Islam s’était allié, en décembre 2016, au groupe Ansar al-Cham, qui, deux mois plus tard, se tourna vers le Hayat Tahrir al-Cham, créé sur la base de l’ex-Front al-Nosra. Soutenu par l’Arabie Saoudite, il a combattu l’EI et le Front al-Nosra mais aussi l’Armée syrienne libre, et en particulier le Faylaq al-Rahmane.

Ce dernier, qui compte dans ses rangs des combattants islamistes ayant refusé de rejoindre ceux du Jaish al-Islam, a été qualifié « d’apostat » par l’ex-Front al-Nosra, qui était alors la branche syrienne d’a-Qaïda.

Quant au groupe Ahrar al-Cham (Mouvement islamique des hommes libres du Cham), il se revendique salafiste. Ses liens avec la mouvance jihadiste sont troubles. Ainsi, le 18 février, il a annoncé sa fusion avec le Harakat Nour al-Din al-Zenki, qui a fait partie, pendant un temps, de la coalition dominée par l’ex-Front al-Nosra, laquelle compte également quelques centaines de combattants dans la Ghouta orientale. Le Jaïch Al-Islam et Faylaq Al-Rahmane auraient fait savoir qu’ils comptaient officiellement leur demander de quitter le secteur. Pour rappel, le Hayat Tahrir al-Cham est classé parmi les mouvement terroristes par l’ONU.

Quoi qu’il en soit, la résolution votée par le Conseil de sécurité pour obtenir un cessez-le-feu en Syrie est, comme d’ailleurs les précédentes, sans effet pour le moment (Et c’est sans doute bien pour ça que la Russie a accepté de la voter).

En effet, au lendemain de son adoption, les raids aériens – quoique moins intenses – se sont poursuivis sur la Ghouta orientale, tandis que de violents combats ont éclaté entre le Jaïch Al-Islam et le Faylaq Al-Rahmane d’un côté et les forces pro-régime de l’autre, notamment de Nachabiyé, un verrou stratégique situé à la pointe sud-est de la Ghouta orientale, et à Harasta, une ville au nord-ouest. Par ailleurs, du gaz chloré aurait été une nouvelle fois répandu.

Et l’Iran, proche alliée de Damas, a annoncé la couleur, le 25 février.

« Nous respecterons la résolution sur le cessez-le-feu et la Syrie aussi. Des parties des environs de Damas, qui sont tenues par les terroristes, ne sont pas couvertes par le cessez-le-feu, et le nettoyage continuera là-bas », a en effet déclaré le général Mohammad Baqeri, le chef d’état-major iranien.

« Comme le dit le texte [de la résolution], des parties de la banlieue de Damas, qui sont spécifiquement contrôlées par les terroristes du front al Nosra et d’autres groupes terroristes, ne sont pas assujetties au cessez-le-feu », a ajouté le général Baqeri.

Côté russe, l’on a dit « compter sur les appuis étrangers des groupes d’activistes antigouvernementaux pour s’assurer un arrêt des opérations de combat dans l’intérêt d’un passage prochain et sûr des convois humanitaires. » En clair, la responsabilité de la poursuite des combats est imputée aux rebelles.

Photo : via @ Wikimedia Commons

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