Actuellement, l’armée allemande ne peut pas tenir sa place à la tête de la force de réaction très rapide de l’Otan

Ces derniers temps, il ne se passe pratiquement pas une semaine sans que le mauvais état de préparation opérationnelle et les problèmes de disponibilité des forces armées allemandes (Bundeswehr) ne fassent les choux gras de la presse d’outre-Rhin.

Il faut cependant dire que, alors que la situation politique reste compliquée à Berlin, le commissaire parlementaire à la Bundeswehr, le social-démocrate Hans-Peter Bartels, enchaîne les interventions médiatiques pour tirer le signal d’alarme. Mais c’est le quotidien conservateur Die Welt qui est à l’origine d’une nouvelle polémique sur les capacités militaires allemandes.

À partir de janvier 2019, l’Allemagne prendra la tête de la « Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » [Very High Readiness Joint Task Force, VJTF] de l’Otan, dont le principe a été décidé en 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie.

Cette VJTF, qui fait partie de la Force de réaction de l’OTAN (NRF), mobilise 5.000 soldats (soit une brigade terrestre multinationale) ainsi que des forces spéciales ainsi que des moyens aériens et navals. Devant intervenir à très court préavis en cas de nécessité, elle vise à « préparer » le terrain pour le déploiement d’un groupe initial de forces de deuxième échelon (IFFG), composé de deux brigades multinationales.

L’an passé, la Rand Corporation avait émis des doutes sur la capacité de la Bundeswehr à conduite la VJTF, estimant qu’il lui faudrait « probablement plus d’une semaine pour mobiliser un bataillon blindé » et un mois pour solliciter une brigade blindée complète « en dépouillant d’autres unités ». Or, selon Die Welt, cette étude est encore d’actualité.

Ainsi, affirme le quotidien, sur la base de documents internes de la Bundeswehr, le Panzerlehrbataillon 93 de la « Panzerlehrbrigade 9 de Munster, qui va être intégré » à la VJTF, « à peine 9 des 44 chars Leopard 2A6 sont prêts et sur les 14 Marder nécessaires, seuls 3 sont en état de marche. » En cause? Le manque de pièces de rechange et le coût élevé ainsi que le temps nécessaire pour entretenir les véhicules.

Les lunettes de vision nocturne, les lance-grenades et même les vêtements chauds se font « également rares ». « Ils seront fournis par d’autres bataillons, qui eux, ne pourront pas s’entraîner correctement », note le rapport.

Mais ce n’est pas tout. Il a aussi fait état de difficultés pour l’approvisionnement en rations de combat (la quantité disponible dans les dépôts serait en dessous du point critique). Et, à la suite de Die Welt, le quotidien Rheinische Post, qui cite un rapport interne de l’état-major de la Deutches Heer [force terrestre, ndlr], il manque aussi des « unités d’hébergement » mobiles (c’est à dire des tentes de campagnes) pour un déploiement dans le cadre de la VJTF pour la période 2018-2020. Environ 2.500 seraient disponibles, même si elles ne sont « pas adaptées ». Et les gilets de protection ainsi que les vêtements d’hiver sont « également si rares qu’il est impossible de s’assurer que les besoins soient satisfaits. »

En un mot, la Bundeswehr n’est pas en mesure, actuellement, de mobiliser une unité opérationnelle dans les 48 heures, comme l’exige la VJTF de l’Otan.

D’autant plus que, la semaine passée, Hans-Peter Bartels avait prévenu que la marine allemande aurait de grandes difficultés à honorer ses engagements au sein de l’Union européenne et de l’Otan, au regard de la faible disponibilité de ses navires. Il en serait donc aussi de même pour la Deutsches Heer… Et l’aviation [Luftwaffe], dont les avions Eurofighter et les Panavia Tornado ainsi que les hélicoptères CH-53 « ne sont en service que quelques mois par an et restent en maintenance le reste du temps. »

Aussi, les critiques visant la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, pleuvent. Sans surprise, ses adversaires ne retiennent pas leurs coups. « Nous ne pouvons par et n’accepterons pas de telles lacunes dans l’approvionnement », a lancé Fritz Felgentreu, spécialiste des questions de défense au SPD.

Chez les libéraux du FDP, le ton est plus fort. « Le fait que même les équipements de base tels que les gilets de protection et les vêtements d’hiver sont insuffisants montre à quel point la Bundeswehr est dans un état misérable à cause de la réduction des coûts », a dénoncé Marie-Agnes Strack-Zimmermann, qui a assuré que cette « situation scandaleuse » sera évoquée « lors de la prochaine réunion de la Commission de défense du Bundestag. » Et d’aujouter par ailleurs : « Il est extrêmement désolant que les tâches dans le cadre de l’Otan ne puissent être accomplies qu’avec du bruit. »

Pour les élus de la CDU/CSU, le parti dont est issue Mme von der Leyen, il est crucial d’augmenter le budget de la Bundeswehr. « C’est la base de la sécurité de l’Allemagne et de l’Alliance. Le matériel doit arriver encore plus vite que prévu dans les troupes », a ainsi commenté Henning Otte.

Le président de l’Association allemande des forces armées, le lieutenant-colonel André Wüstner, a renvoyé tout le monde dos-à-dos. « La question clé à laquelle les responsables politiques de tous les partis doivent répondre est la suivante : l’Allemagne doit-elle à nouveau avoir des forces prêtes à l’emploi ou non? Si c’est non, je suggère la dissolution des forces armées. Mais si la Bundeswehr est toujours nécessaire, alors il faut atteindre rapidement un consensus sur l’adaptation et l’accélération des procédures d’achat et voter le financement nécessaire », a-t-il confié à Die Welt. « Cela ne peut pas continuer aisni, surtout dans le contexte où une grande partie du monde est en flammes », a-t-il insisté.

Directeur du Centre for European Security, basé à Prague, Mark Gaelotti n’est pas surpris par cette situation. « Les différents problèmes militaires allemands ne sont pas un sectet pour le reste de l’Otan », a-t-il estimé auprès de Deutsche Welle, avant d’expliquer que, pendant longtemps, l’Allemagne a sous-investi dans ses forces armées « en s’enveloppant dans le manteau de sa politique étrangère non militariste. »

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