Finalement, l’Autriche pourrait garder ses 15 Eurofighter Typhoon plus longtemps

Les élections législatives autrichiennes de l’automne dernier ont eu pour conséquence la mise en place d’une coalition gouvernementale qui, composée du Parti populaire (ÖVP, conservateur) et du Parti de la liberté (FPÖ, extrême-droite), est dirigée par Sebastian Kurz. Cette nouvelle majorité va-t-elle remettre en cause les décisions prises en matière de défense lors de la précédente législature?

La question se pose après l’annonce faite le 15 février au sujet des 15 Eurofighter Typhoon (tranche 1) actuellement en service au sein de la force aérienne autrichienne. En effet, le ministre de la Défense, Mario Kunasek (FPÖ), a déclaré qu’une nouvelle « commission d’évaluation » allait être mise en place afin de reconsidérer les conclusions d’un groupe d’experts mandaté par le gouvernement précédent au sujet de l’avenir de ces appareils.

Le dossier des Typhoon empoisonne la vie politique autrichienne depuis maintenant 15 ans. En 2003, Vienne fit le choix de commander, pour 2 milliards d’euros, 18 avions de ce type auprès d’Airbus, membre du consortium européen Eurofighter, avec BAE Systems et Leonardo. À l’époque, l’état-major autrichien envisageait d’acquérir des JAS-39 Gripen, le constructeur suédois Saab ayant soumis une proposition portant sur 24 appareils pour 2,15 milliards d’euros.

Très vite, des soupçons de corruption furent émis par le FPÖ et la gauche autrichienne. Sous la pression, le gouvernement alors en place décida de réduire la commande d’Eurofighter Typhoon à 15 unités, afin d’économiser 300 millions d’euros. Dans le même temps, des enquêtes pour corruption furent lancées en Autriche et en Allemagne.

La semaine passée, le parquet de Munich a annoncé la fin de ses investigations et infligé une « pénalité administrative » de 81,25 millions d’euros à Airbus. Si les limiers allemands n’ont pas pu « confirmer les allégations de corruption » dans le dossier des Eurofighter Typhoon autrichiens, ils ont en revanche estimé que l’industriel avait fait preuve de « négligence » en autorisant l’ancienne direction à effectuer des paiements de plusieurs millions d’euros liés au contrant « à des fins non clarifiées. »

Cependant, à Vienne, l’enquête continue. En février 2017, le ministère autrichien de la Défense déposa une plainte contre Airbus en espérant obtenir un dédommagement de 1,1 milliard d’euros. L’industriel était alors accusé d’avoir « depuis 2002, délibérément trompé la République d’Autriche tant sur le vrai prix que sur les vraies capacités de livraison et les vrais équipements » des Eurofighter Typhoon. Et sans ces « tromperies », avait-il ajouté, ces avions n’auraient pas été commandés.

Puis, en juillet, le groupe d’experts mandaté par le gouvernement alors en place, se prononça pour un retrait progressif des Eurofighter Typhoon à partir de 2020, en raison de leurs coûts. Ainsi, l’exploitation de ces appareils pendant 30 ans coûterait jusqu’à 5,1 milliards d’euros alors que l’achat (ou la location) de 18 avions de combat permettrait d’économise entre 100 millions et 2 milliards d’euros sur la même période.

Dans le même temps, les experts préconisèrent aussi de remplacer les vieux Saab 105OE et de constituer ainsi une flotte d’avions de combat homogène.

Ce sont donc ces conclusions qui sont remises en cause par le nouveau gouvernement autrichien. La commission qu’il va mettre en place sera chargée de définir de « nouvelles options » pour l’avenir de la surveillance et de la protection de l’espace aérien du pays, sur la base de coûts recalculés en fonction « d’informations les plus récentes ». Elle aura aussi à examiner les dépenses nécessaires en matière d’infrastrutures et de formation des pilotes.

Le nouveau ministre de la Défense a précisé qu’il tiendrait compte des conclusions rendues en 2017 mais que, pour autant, il ne se sentait pas lié par la décision prise par son prédécesseur d’arrêter le programme Eurofighter Typhoon en 2020. « Aujourd’hui, de nouvelles informations sont disponibles qui nécessitent une réévaluation », a justifié M. Kunasek.

Selon le ministère autrichien de la Défense, le consortium Eurofighter lui a proposé de moderniser les 15 Typhoon en service et de renégocier leurs coûts d’exploitation. En outre, il a également reçu de nouvelles informations sur le prix du JAS-39 Gripen et du F-16 américain. Ces dernières seront prises en compte par la commission, laquelle rendra ses conclusions en juin prochain.

Photo : Deux Eurofighter Typhoon (c) Forces armées autrichienne Photo / W.HAINZL

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