Une Loi de programmation militaire pour faire patienter la Marine nationale

Au regard des besoins exprimés par les forces armées, l’élaboration de la Loi de programmation militaire 2019-2025 revenait à vouloir faire entrer plusieurs édredons dans une valise. Aussi, des choix ont dû être faits. Et, pour la Marine nationale, le bilan est plutôt mi-figue, mi-raisin.

Le renouvellement des patrouilleurs hauturiers et des avisos, dans le cadre du programme BATSIMAR (Bâtiments de surveillance et d’intervention maritimes) était l’une des priorités de l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), étant donné le risque de voir des ruptures capacitaires temporaires devenir définitives. Sur ce point, il a été entendu. Et pour cause : à force de renvoyer ce projet aux calendes grecques, il n’était plus possible de faire autrement.

Cela étant, il était initialement prévu de remplacer les patrouilleurs affectés outre-Mer et les avisos par un seul et même type de navire. Mais les plans ont changé. « Ce serait trop cher, me dit-on », avait d’ailleurs confié l’amiral Prazuck, en octobre dernier.

Aussi, précise le rapport annexé au projet de LPM, « pour mettre fin au déficit capacitaire issu des précédentes programmations et consolider la protection des zones maritimes placées sous notre juridiction, un effort particulier sera porté sur la sauvegarde maritime avec une accélération des livraisons et une augmentation de cible terminale des patrouilleurs, au nombre de 19 à terme : 6 Patrouilleurs outre-mer (POM), 2 Patrouilleurs de haute mer de nouvelle génération (PHM NG) destinés aux façades métropolitaines, 3 Patrouilleurs légers guyanais PLG (dont le dernier sera livré en 2019) et 7 patrouilleurs d’anciennes générations de divers types. »

Pour autant, ce programme ne sera pas terminé en 2025 : à cette échéance, la Marine nationale n’alignera que 11 « patrouilleurs futurs », les 8 derniers devant être livrés d’ici 2030.

Le programme des nouveaux pétroliers ravitailleurs (FLOTOG), qui, lui aussi, ne peut plus attendre, aura le même sort. En 2025, deux navires de ce type seront mis en service et ils cohabiteront avec un Bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) jusqu’en 2030, année où deux autres unités seront livrées.

Le projet de LPM prévoit par ailleurs le renouvellement des capacités hydrographiques et océanographiques, avec le lancement, en 2023, programme CHOF [capacité hydrographique et océanographique future, ndlr] et la construction d’un « bâtiment léger de surveillance et de reconnaissance. » Et le programme SLAM-F de guerre des mines et de lutte contre les IED maritimes, qui repose sur un bâtiment porteur et des drones sous-marins, sera lancé.

Un autre voeu exprimé par l’amiral Prazuck était de revoir à la hausse le nombre de frégates de premier rang. « J’en ai actuellement 17 et je n’arrive pas à faire tout ce que je devrais faire avec ce nombre », avait-il dit. Et la Marine devra s’en contenter jusqu’en 2025.

Dans le détail, la Royale disposera de 2 frégates de défense aérienne (FDA), de 2 Frégates multi-missions capacités de défense aérienne renforcées (FREDA), de 6 FREMM de lutte anti-sous-marine, de
2 Frégates de taille intermédiaire (sur les 5 prévues) et 5 Frégates légères furtives (FLF) de type La Fayette, dont 3 seront « renovées » au cours de la prochaine LPM. Or, ces derniers navires ne peuvent pas être classés parmi ceux de premier rang.

Par ailleurs, des programmes déjà en cours seront menés à bien (c’est déjà ça). C’est le cas des Bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), commandés en deux temps (2 en 2015 et 2 autres en 2016) et des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Barracuda. D’ici 2025, quatre auront été mis en service (en théorie du moins).

S’agissant des moyens aéronautiques, 18 avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2), au lieu de 15, seront finalement modernisés. Ce qui est conforme à ce qu’avait souhaité l’amiral Prazuck, dans l’attente du lancement du programme « PATMAR futur ». En outre, les trois appareils de guet aérien Hawkeye E-2C Hawkeye seront « rénovés ».

Quant aux avions de surveillance et d’intervention (AVSIMAR), c’est à dire les Falcon 200 Guardian et les Falcon 50 M, ils commenceront à être remplacés par 3 nouveaux appareils (sur 7 prévus) à partir de 2024.

En revanche, comme les Hélicoptère interarmées léger (HIL) seront commandés entre 2019 et 2025, la Marine devra louer 16 appareils pour remplacer ses Alouette III.

Pour le reste, la Marine devra s’armer de patience. Les systèmes de drones aériens pour la Marine (SDAM) ne seront pas livrés avant 2028. Quant au second porte-avions, qui sera très probablement le successeur du Charles-de-Gaulle, il faudra se contenter de nouvelles études, afin de définir en particulier « le système de propulsion de ce bâtiment et les contraintes d’intégration des nouvelles technologies, notamment dans le domaine des catapultes et des dispositifs
d’arrêt à l’appontage). »

Ces études « fourniront ainsi les éléments de décision pour une éventuelle anticipation du lancement de la réalisation de ce nouveau porte-avions et un possible retour à une permanence de porte-avions en alerte. » Étant donné le temps qu’il faut pour construire un navire de ce type, il y a de quoi être circonspect étant donné que le retait du Charles-de-Gaulle est prévu aux environs de 2040.

Photo : Marine nationale

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