La ville syrienne de Manbij fait l’objet d’un bras de fer entre la Turquie et les États-Unis

En janvier 2014, la localité syrienne de Manbij, située sur la rive droite de l’Euphrate, à environ 80 km au nord-est d’Alep, devint l’un des premiers bastions de l’État islamique (EI ou Daesh) et donc l’un des principaux carrefours des axes empruntés par les recrues jihadistes venus de Turquie.

Aussi, avec le soutien de la coalition dirigée par les États-Unis, les Forces démocratiques syriennes (FDS) lancèrent une offensive en direction de ce point stratégique en juin 2016. Deux mois plus tard, à l’issue de combats acharnées, elles prirent le contrôle de Manbij.

Ce qui motiva en partie le lancement de l’opération turque « Bouclier de l’Euphrate », Ankara voulant éviter que les milices kurdes syriennes (YPG, Unités de protection du peuple), proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement indépendantiste turc à l’origine d’une sanglante rébellion, puissent disposer d’une continuité territoriale le long de sa frontière avec la Syrie.

Après avoir chassé l’EI de Jarabulus et d’Al-Bab (non sans difficultés), la Turquie annonça, en mars 2017, son intention de faire porter l’effort de ses forces (appuyées par des groupes rebelles syriens) en direction de Manbij. Aussi, la coalition anti-jihadiste y renforça ses troupes (principalement américaines) afin de, selon le Pentagone, « rassurer les forces partenaires et de dissuader toute agression, afin que toutes les parties restent concentrées sur la défaite de notre ennemi commun, l’EI. » Et les choses en restèrent là.

Pour autant, les autorités turques n’ont pas fait une croix sur Manbij. Bien au contraire. Ainsi, elles ne cessent de dire que l’opération « Rameau d’olivier », qu’elles ont lancée le 20 janvier pour chasser les milices kurdes syriennes de la région d’Afrin, pourrait « s’étendre » à d’autres territoires.

Depuis qu’elles ont lancé, le 20 janvier, l’opération « Rameau d’olivier » pour chasser les milices kurdes syriennes de la région de Manbij, probablement avec un accord de la Russie, elles ne cessent de dire que l’offensive en cours pourrait « s’étendre » à d’autres régions frontalières.

C’est en effet ce qu’a affirmé Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, à France24, le 24 janvier. Selon lui, l’opération « Rameau d’olivier » pourrait ainsi aller « jusqu’à Manbij » (soit à une centaine de kilomètres d’Afrin), « voire à l’est de l’Euphrate » car « aucun pays ne peut tolérer une organisation terroriste à sa frontière. »

Alors que les États-Unis ont appelé la Turquie à « la retenue » tout en lui reconnaissant le droit à prendre les mesures nécessaires à sa sécurité, le président turc, Recep Tayyip Erdogan a durci le ton. « Peu importe le nom de l’organisation terroriste, qu’il s’agisse de Daesh, du PKK ou des YPG. Avec l’aide de Dieu, nous les écraserons comme un rouleau compresseur », a-t-il ainsi assuré dans un discours prononcé le 27 janvier à Istanbul.

La veille, M. Erdogan avait affirmé que les forces turques et leurs supplétifs poursuivraient le combat « jusqu’à ne plus laisser aucun terroriste jusqu’à la frontière irakienne. » Et d’ajouter, à propos des appels à la retenue de certaines chancelleries occidentales : « Certains nous demandent avec insistance de faire en sorte que cette opération soit courte (…) Attendez, ça ne fait que sept jours. Combien de temps a duré l’Afghanistan? Combien de temps a duré l’Irak? »

Puis, M. Cavusoglu est revenu à la charge, le 27 janvier. « Il faut qu’ils (les Etats-Unis) se retirent immédiatement de Manbij », a-t-il dit à des journalistes, lors d’un déplacement à Antalya (sud de la Turquie). Et, dans une tribune publiée par le New York Times, il a reproché aux États-Unis « d’armer une organisation terroriste qui attaque » la Turquie, en l’occurrence les YPG, dont le rôle a pourtant été déterminant la défaite militaire infligé à l’EI en Syrie.

Plus tôt, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue turc, le président Trump avait « exhorté la Turquie à faire preuve de prudence et à éviter toute action qui risquerait de créer un conflit entre les forces turques et américaines. » Une version démentie par Ankara.

« Les États-Unis sont engagés avec le gouvernement turc à tous les niveaux pour développer une solution qui réponde aux préoccupations sécuritaires de la Turquie et assure que la pression sur l’EI ne diminue pas », fit ensuite valoir le Pentagone. « Nous ne discutons pas des actions ou des plans militaires futurs, nous demandons à la Turquie de désamorcer, de faire preuve de prudence et d’éviter toute action qui risquerait de créer un conflit entre les forces turques et américaines », avait-il précisé.

« Je vous dirais que partout où les troupes américaines se trouvent, elles vont pouvoir se défendre, et nous nous coordonnons très étroitement avec les Turcs à ce sujet », avait en outre affirmé un porte-parole du Pentagone à CNN. « Ils [les Turcs] savent où sont nos forces. »

Quoi qu’il en soit, il n’est pas question pour les troupes américaines présentes à Manbij (une centaine de soldats environ) de plier le paquetage. « Un retrait n’est pas quelque chose que nous examinons », a en effet déclaré le général Joseph Votel, le chef de l’US Centcom, le commandement militaire américain pour le Moyent-Orient et l’Asie centrale.

Depuis sa prise, la défense de Manbij est assurée par le Conseil militaire de Manbij (MMC), une force majoritairement arabe faisant partie des FDS qui est conseillée, formée et équipée par la coalition. Pour cette dernière, il est important qu’il y ait un maintien de la stabilité dans cette ville, ce qui est la condition première pour « prévenir le retour éventuel de l’EI ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]