Une guerre entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie est-elle à craindre?

En décembre, des centres de réflexion s’essaient à la prospective en tentant de déterminer les principales menaces auxquelles il faut de préparer pour l’année suivante. Ainsi, par exemple, le Council on Foreign Relations a placé l’éventualité d’un conflit dans la péninsule coréenne en haut de la liste.

Et de citer ensuite celle d’une confrontation armée entre l’Iran et les monarchies sunnites, voire entre la Chine et ses voisins, la rivalité entre la Russie et l’Otan, la situation en Syrie et en Afghanistan, la menace terroriste ou encore le risque d’une cyberattaque d’ampleur. Seulement, il n’est pas impossible qu’une autre région soit concernée par un conflit majeur en 2018.

Avec la présence de l’État islamique (EI) en Libye et dans le Sinaï, l’on peut penser que l’Égypte doit essentiellement faire face à la menace terroriste. Cela est vrai. Mais pas seulement. Deux autres risques sont en effet à prendre en considération.

Le premier concerne la construction, sur le Nil bleu, du barrage Grand Renaissance. Cet ouvrage, en passe d’être bientôt terminé, doit donnera à l’Éthiopie une capacité de de 15 000 gigawatts/heure chaque année, ce qui lui permettra de mettre un terme à la pénurie d’électricité et d’accélérer son industrialisation. Il s’agit donc d’un projet stratégique majeur pour Addis-Abeba.

Seulement, étant donné que sa mise en service va nécessiter la création d’un lac de 246 km de long (pour 67 milliards de mètre cube), l’Égypte s’inquiète pour le débit du Nil bleu… Et donc pour son approvisionnement en eau. D’où une négociation entre Le Caire et Addis-Abeba pour étaler le remplissage de façon à en limiter l’impact.

Or, l’Éthiopie veut aller vite afin d’arriver rapidement à une production optimale d’électricité. C’est à dire en moins de 5 ans. Mais le remplissage du lac de stockage dans un tel délai priverait l’Égypte d’environ 12% de ses besoins en eau (population, agriculture et industrie). Également concerné par ce dossier, le Soudan s’est rangé, en échange d’une partie de l’électricité qui sera produite par le barrage « Grande Renaissance », du côté des autorités éthiopiennes.

En décembre, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, avait prévenu : le Nil est « une question de vie ou de mort » pour l’Égypte. Réponse d’Addis-Abeba : « Le barrage est aussi une question de vie ou de mort pour les Éthiopiens ». Depuis, les discussions sont au point mort. Dans ce contexte, Le Caire a amorcé un rapprochement avec l’Érythrée, pays avec lequel l’Éthiopie a été en guerre au début des années 2000 et qui n’entretient pas les meilleures relations qui soient avec le Soudan.

Ainsi, la semaine passée, Khartoum a décidé de fermer sa frontière avec l’Érythrée, annoncé l’état d’urgence dans deux de ses États de l’est et déployé des milliers de sodats, pour, officiellement, lutter contre le trafic d’armes illégales.

Par ailleurs, il faut faire avec les influences étrangères, à savoir l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis côté égyptien, ainsi que, côté soudanais, le Qatar et la Turquie. Le 25 décembre, à l’occasion d’une visite du président turc, Recep Tayyip Erdogan, Khartoum a concédé l’île de Suakin à Ankara, avec la possibilité d’y établir une base militaire donnant sur la mer Rouge, stratégique pour Le Caire (Canal de Suez oblige).

Or, les rapports entre l’Égypte et la Turquie ne sont pas au beau fixe, notamment en raison du soutien apporté par les autorités turques aux Frères musulmans. Cette annonce sur la concession de l’île de Suakin à Ankara a donc donné lieu à de nouvelles tensions diplomatiques entre Le Caire et Khartoum, alors déjà « plombées » par le litige portant sur le triangle frontalier de Halayeb.

Cette zone, riche en minerais, est gérée administrativement par l’Égypte depuis 2000, quand le Soudan retira ses dernières troupes de cette région contestée. Seulement, Kharthoum en revendique toujours la souveraineté et renouvelle régulièrement ses plaintes auprès des Nations unies.

Aussi, dans ce contexte, le président al-Sissi a adressé, le 15 janvier, une mise en garde à ses voisins. « L’Égypte ne fera pas la guerre à ses frères », « ne conspire pas et ne s’ingère pas dans les affaires des autres », a-t-il dit, lors d’un discours télévisé. « Les habitants du Soudan, d’Éthiopie et d’Égypte avaient besoin d’investissements, pas de guerres », a-t-il continué.

« Mais en même temps, il nous est demandé de préserver la vie de 100 millions d’Égyptiens », a ajouté le président égyptien, après avoir évoqué la puissance militaire de son pays et en affirmant « prononcer ces mots comme un message à nos frères au Soudan. »

 

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