Le groupe jihadiste nigérian Boko Haram reprend de la vigueur
Devant l’ampleur des exactions et des massacres commis par le groupe jihadiste Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad, les pays concernés (Nigéria, Tchad, Cameroun, Niger et le Bénin) décidèrent de coordonner leurs opérations militaires au sein d’une Force multinationale mixte (FMM), composée de plus de 10.000 soldats et placée sous l’égide de l’Union africaine. Et cela, avec le soutien de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis.
En septembre 2016, le général Patrick Brethous, qui venait de céder le commandement de la force française Barkhane, avait estimé que la menace de Boko Haram était « endiguée » dans le nord-est du Nigéria. Selon lui, le groupe jihadiste ne disposait plus, à l’époque, que deux « réduits » près du lac Tchad et dans la forêt de Sambisa. Et l’officier espérait son « éradication complète » à la « prochaine saison sèche ».
Qui plus est, Boko Haram était alors secoué par des divisions, une partie de ses combattants ayant rejoint Abou Mosab al-Barnaoui, confirmé à la tête du groupe par Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique. L’autre partie était restée loyale à Abubakar Shekau, le chef de cette organisation depuis 2009.
Seulement, Boko Haram est comme l’Hydre de Lerne… Et le combat mené contre ce groupe jihadiste ne souffre aucun relâchement. Depuis plusieurs mois, cette organisation, qui avait seulement su garder une « capacité de nuisance » (euphémisme pour évoquer des attentats sporadiques), multiplie à nouveau les attaques.
En novembre, un attentat suicide commis contre une mosquée à Mubi (État d’Adamawa, Nigéria) a fait 50 tués. Puis, en décembre, les attaques contre les convois et les points de contrôle de l’armée nigériane ainsi que les raids contre les villages ont repris, en particulier dans les environs de Maiduguri, la capitale de l’État de Borno. Le 31 décembre, 25 bûcherons, accusés d’être des espions, ont été abattus par les jihadistes. Enfin, le 3 janvier, adolescent ayant déclenché la ceinture d’explosifs qu’il portait a tué au moins 14 personnes à Gamboru.
Lors de ses voeux pour la nouvelle année, le président nigérian, Muhammadu Buhari, a répété encore une fois que le Nigéria en avait « fini avec Boko Haram ». Et d’ajouter : « Des attaques isolées ont encore lieu, mais même les pays les plus sûrs ne peuvent pas empêcher des criminels déterminés de commettre des actes terroristes. »
Le lendemain, comme un pied de nez, Abubakar Shekau, donné pour mort à maintes reprises, a diffusé une vidéo dans laquelle il a revendiqué les attaques de ces derniers mois. « Nous sommes en bonne santé et rien ne nous est arrivé… Nous avons mené les raids sur Maiduguri, à Gamboru et à Damboa. […] L’armée et la police ne peuvent rien contre nous! », s’est-il vanté. Des images de véhicules volés aux forces nigérianes, d’armes et de munitions ont par ailleurs été montrées dans ce film.
Le dernier rapport relatif aux activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel indique par ailleurs que « malgré l’action menée aux niveaux national et international, les attaques de Boko Haram se sont fortement intensifiées au cours de la période considérée, en particulier au Nigéria. »
Ainsi, note le document, « sur 156 attaques attribuées au groupe terroriste en juillet, août et septembre, 100 ont eu lieu au Nigéria et cinq au Niger » et « 295 personnes en tout ont trouvé la mort entre juin et septembre, soit davantage que durant les six premiers mois de l’année. »
Selon le rapport, cette recrudescence des attaques de Boko Haram s’explique en partie par le « retrait des soldats tchadiens de la Force multinationale mixte au Niger. » Cela aurait en effet eu des « incidences sur l’action de la Force. » En outre, poursuit-il, des « allégations de violations des droits de l’homme par le personnel de sécurité ont compromis la coopération avec les communautés touchées et la collecte de renseignements. »
Enfin, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, rappelle ce même rapport, s’est dit « préoccupé par le manque de moyens de la Force multinationale mixte » et a « réaffirmé la nécessité de se doter d’une stratégie globale de lutte contre Boko Haram. »