L’administration Obama aurait ménagé le Hezbollah pour obtenir un accord sur le nucléaire iranien

Pour se financer, le Hezbollah a toujours eu recours à des trafics illicites. Puis, après la guerre du Liban de 2006, au cours de laquelle elle a affronté Israël, la milice chiite, soutenue par l’Iran, a vu ses besoins financiers augmenter significativement. Aussi, elle a accentué ses activités criminelles, en particulier en Amérique latine, où elle a pu s’appuyer sur la diaspora libanaise ainsi que sur des régimes complaisants, comme celui du vénézuélien Hugo Chavez.

« Si dans le passé, le Hezbollah a couvert des trafics de drogue, en particulier issus de la plaine de la Bekaa, en prélevant une dîme au passage, sa nouvelle orientation qui consiste désormais à y participer directement, notamment en s’associant à des cartels sud-américains », relevait ainsi Alain Rodier, dans une note du Centre français de recherche sur le renseignement, en avril 2009.

Mais Washington fit ce constat bien avant. Ce qui motiva, en 2008, le lancement de l’opération Cassandra, dont la direction fut confiée à la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence chargée de lutter contre les trafics de drogue. À l’époque, les autorités américaines estimaient que le Hezbollah, via ses activités criminelles internationales, arrivait à se faire un bénéfice d’un milliard de dollars par an.

L’opération Cassandra mobilisa une trentaine d’agences de sécurité américaines et étrangères. Des missions d’infiltration furent menées, de même que des écoutes téléphoniques. Selon le site très sérieux Politico, les agents ont ainsi « suivi des cargaisons de cocaïne, certaines allant d’Amérique latine vers l’Afrique de l’ouest ou vers l’Europe et le Moyen-Orient, d’autres partant du Venezuela ou du Mexique, vers les Etats-unis. »

Mais pas seulement puisqu’ils ont aussi remonté des « des rivières d’argent sale dont le blanchiment passait par l’achat de véhicules américains d’occasion envoyés en Afrique. » Et, « avec l’aide de témoins clés coopératifs », ces agents ont « pu mettre en lumière la vaste conspiration remontant, selon eux, au premier cercle des responsables du Hezbollah et à l’Iran », raconte toujours Politico.

Seulement, la donne changea avec l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. Ce dernier avait promis d’améliorer les relations des États-Unis avec l’Iran, estimant que l’approche de son prédécesseur, consistant à faire pression sur Téhéran afin d’aboutir à l’arrêt de son programme nucléaire, ne fonctionnait pas.

Qui plus est, John Brennan, alors conseiller du président Obama pour la sécurité intérieure et le terrorisme avant de prendre les rênes de la CIA, avait affirmé que le « Hezbollah était une organisation intéressante. » Et d’expliquer qu’il fallait encourager les éléments les « plus modérés » de la milice chiite afin d’écarter les plus radicaux…

Cette approche défendue par l’administration Obama eut des conséquences directes sur l’opération Cassandra. Cherchant coûte que coûte à obtenir un accord sur le nucléaire iranien, elle aurait mis des bâtons dans les roues de la DEA, l’idée étant qu’il fallait ménager le Hezbollah pour ne pas indisposer Téhéran et faciliter, par ailleurs, les discussions pour la libération d’américano-iraniens détenus dans des géôles iraniennes… Du moins est-ce l’explication donnée par la grande enquête publiée par Politico.

« Lorsque les dirigeants du programme Cassandra ont demandé l’approbation de certaines enquêtes, poursuites, arrestations et sanctions financières importantes, les fonctionnaires des ministères de la Justice et du Trésor ont retardé, entravé ou rejeté leurs requêtes », affirme Josh Meyer, l’auteur de cette enquête, qui cite plusieurs témoins et produit des documents officiels à l’appui de ses affirmations.

« En pratique, la volonté de l’administration [Obama] d’envisager un nouveau rôle pour le Hezbollah au Moyen-Orient, conjuguée à son désir d’un règlement négocié du programme nucléaire iranien, s’est traduite par une réticence à agir agressivement contre les principaux membres » de la milice libanaise, affirme encore M. Meyer.

C’est ainsi que, par exemple, un haut responsable du Hezbollah, surnommé « The Ghost », qui était alors « l’un des plus grands trafiquants de cocaïne du monde » ainsi qu’un « fournisseur important d’ armes conventionnelles et chimiques pour le président syrien Bashar Assad », a été laissé tranquille.

Cela étant, plusieurs anciens membres de l’administration Obama ont démenti ces affirmations… sans pour autant être très convaincants, comme le démontre, preuve à l’appui, Politico.

Ancien chef de la diplomatie américaine, John Kerry a fait valoir que les « négociations [sur le nucléaire iranien] se sont faites de façon indépendante, aucune discussion n’a jamais eu lieu sur les liens existant entre ces négociations et d’autres dossiers. »

Seulement, un ancien officier de la CIA, spécialiste du Moyen-Orient, a donné une autre version. « Très tôt, dans les négocations, les Iraniens ont dit : ‘Écoutez, vous devez relâcher la pression sur le Hezbollah’, ce qui l’administration a accepté de faire. » Et d’ajouter : « Il s’agissait d’une décision stratégique visant à faire preuve de bonne volonté envers les Iraniens dans le cadre des discussions sur l’accord [sur le nucléaire]. Et l’équipe d’Obama voulait vraiment, vraiment cet accord. »

« En conséquence,nous faisions des concessions qui n’avaient jamais été faites auparavant, ce qui était scandaleux pour n’importe qui dans l’agence », a encore insisté cet ancien officier de la CIA.

Lire l’enquête (en anglais) de Politico : The secret backstory of how Obama let Hezbollah off the hook

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