Le chef d’état-major des armées déplore les différences de traitement entre militaires et fonctionnaires civils
Lors de leur audition par les députés de la commission de la Défense, les représentants du Conseil supérieur de la Fonction militaire (CSFM) dénoncèrent l’écart de traitement avec la Fonction publique.
« Tout en respectant les spécificités statutaires, le Conseil est sensible à la juste transposition des mesures appliquées à la Fonction publique », affirma le secrétaire du CSFM. Et d’ajouter : « Nous constatons régulièrement un déséquilibre entre l’application souvent tardive de mesures favorables qui contrastent avec l’immédiateté des mesures jugées négatives, comme le jour de carence ou la contribution sociale généralisée. »
Un exemple parmi d’autres : le retard pris, pour les militaires, de l’application du protocole Parcours Professionnel Carrière Rémunération (PPCR) par rapport à la Fonction publique.
Lors de son passage devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, dans le cadre des discussions budgétaires, le chef d’état-major des Armées, le général François Lecointre, est revenu sur ces différences de traitement, qui, selon lui, sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’attractivité du métier des armes.
« L’entrée en vigueur du ‘parcours professionnel carrières rémunérations’, qui s’est faite avec un décalage pour les armées qui me paraît illégitime, ne contribuera que partiellement à combler le retard pris sur le reste de la fonction publique. Nous avons le devoir d’aligner le traitement réservé aux militaires et aux fonctionnaires civils », a lancé le général Lecointre.
Mais « de manière plus général, a-t-il continué, un devoir de vigilance s’impose concernant la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) qui n’est pas encore mûre et n’est donc assortie d’aucun engagement financier clair. »
Or, a poursuivi le général Lecointre, « en raison de ces incertitudes, il est à craindre qu’aucun effort particulier ne soit produit sur le volet rémunération. » Et cela alors que « l’ambition salariale de la prochaine LPM [Loi de programmation militaire] est doublement importante. »
En effet, a expliqué le CEMA, cette ambition salariale « conditionne l’attractivité de notre modèle d’armée pour les années qui viennent, dans un contexte d’évolution des compétences critiques et de mutation de la conflictualité emportant un besoin en qualifications rares. » En clair, il s’agira de répondre à la « concurrence de plus en plus exacerbée avec le secteur privé, dans tous les champs du recrutement ». Et en particulier pour les compétences les plus recherchées.
Pour le général Lecointre, il « convient d’avoir rééquilibré la rémunération des militaires », comme le souligne le dernier rapport du Haut Comité d’Évaluation de la Condition Militaire (HCECM).
« Il est ainsi important que ce décalage entre fonctionnaires civils et militaires soit compensé, avant que ne débute la réforme des retraites qui suscite l’inquiétude du personnel des armées », a fait valoir le général Lecointre, qui veille, comme Mme la ministre des Armées, a-t-il dit, « à ce que la spécificité militaire soit reconnue et préservée » sur ces sujets, et en particulier pour celui des pensions.
Pour rappel, la prochaine (et énième) réforme des retraites prévoit l’instauration d’une système « notionnel » et « universel » afin de remplacer les dispositifs existants. Dont, a prioro, celui qui s’applique aux militaires.
Plus tard, le CEMA est revenu sur l’attractivité des armées, alors que ces dernières ne pourront créer que 1.500 postes supplémentaires sur la durée de la Loi de programmation des finances publiques.
« Aujourd’hui, les discussions internes au ministère font remonter que ces effectifs sont largement consommés par l’unique effort portant sur le renseignement et le cyber. Ce qui n’est pas satisfaisant, puisque nous avons également des besoins pour les armées de compétences rares et chères à conserver », a d’abord prévenu le général Lecointre.
Puis, a-t-il poursuivi, comme le cyber et le renseignement exigent des compétences « rares et chères à conserver », il « nous faut rendre attractifs un certain nombre de postes dans des domaines sévèrement concurrencés par le secteur civil. »
Sur ce point, le général Lecointre a été très clair. « La vision systématiquement dépyramidante pour les armées, portée par Bercy, la DGAFP [Direction générale de l’administration et de la fonction publique, ndlr] et la Cour des comptes, m’inquiète », a-t-il dit.
« Notre nombre de cadres nous est reproché, tandis que la fonction publique civile, quant à elle, considère que l’augmentation de son taux d’encadrement va de soi au nom d’une primauté alléguée aux activités de conception », a dénoncé le CEMA.
Or, a-t-il fait valoir, les « armées conçoivent et conduisent des opérations qui demandent également des qualifications de plus en plus élevées » et le « recrutement d’un spécialiste en cyberdéfense implique une solde analogue à celle d’un officier supérieur, afin de faire face à la concurrence du secteur privé. »
Aussi, estime le général Lecointre, « pour trouver le bon niveau de rémunération des militaires, comparons avec ce qui se pratique dans les autres ministères, ou encore, pour certains métiers, les groupes publics. » Et de conclure : « Je vous remercie donc de nous aider, la ministre et moi-même, à relayer l’idée qu’une telle pression dépyramidante fait peser un risque sur les armées. »
Photo : État-major des armées