Malgré des réticences, le Sénat a voté le budget des Armées pour 2018

Cette semaine, par la voix de son président, Christian Cambon, la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, a fait savoir qu’elle s’abstiendrait lors du vote sur le budget 2018 du ministère des Armées, lequel doit augmenter de 1,8 milliard d’euros.

En cause : les 700 millions d’euros de crédits du budget en cours qui, destinés aux équipements, n’ont toujours pas été débloqués par Bercy. « Le Parlement a voté, il y a un an, ces crédits, aujourd’hui bloqués. Quelle est, dans ces conditions, la valeur du débat budgétaire au Parlement? », a alors demandé M. Cambon.

Le 30 novembre, le sénateur Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées, a publié un communiqué allant dans le même sens. « Si tous les indicateurs peuvent laisser penser que ce budget [des Armées] est à la hausse en matière notamment d’équipements des forces, cette orientation est en trompe-l’oeil », a-t-il lancé, en déplorant ce gel des 700 millions d’euros.

« Près de 90 % de cette augmentation prévue pour la mission défense sont en fait consommés d’avance en raison tout d’abord des report de charges. Ils résultent en partie de l’annulation des crédits intervenue en juillet dernier, à hauteur de 850 millions », a encore expliqué le sénateur. « Il s’agit aussi de prendre en compte les transferts de charges avec les surcoûts liés aux opérations extérieures, soit 200 millions d’euros qui seront assumés par le ministère de la défense et non par l’interministériel comme c’était le cas précédemment », a-t-il ajouté.

En outre, M. Perrin a également souligné que « c’est un milliard d’euros qui viennent financer des mesures arrêtées en 2016 – recrutements, amélioration des conditions du personnel, acquisition d’équipements pour la force opérationnelle terrestre… – et qui n’avaient pas été inscrites dans la loi de programmation en 2015. »

Lors de l’examen, en séance, le 30 novembre, du budget de la mission Défense, M. Cambon est revenu à la charge au sujet des crédits encore bloqués, ce qui complique la fin de gestion 2017.

« S’ils ne sortent pas rapidement du congélateur de Bercy, ils finiront par ne plus être consommables. Or, cet argent, nos soldats en ont besoin pour assurer leurs missions et leur propre sécurité (…) Nous nous interrogeons. Quelle est la valeur du vote du Parlement ? Nous avons voté ces crédits ici, il y a un an. Où sont-ils ? Bloqués par des arbitrages gouvernementaux », a lancé le président Cambon, tout en saluant la « pugnacité personelle » de Mme le ministre des Armées, Florence Parly.

Cette dernière s’est voulu rassurante. « J’entends vos interrogations sur la fin de gestion 2017. Vous connaissez tous ses enjeux », a-t-elle répondu. « Quant au dégel des 700 millions d’euros de crédits, les arbitrages sont en cours. Je n’ai jamais rien lâché, ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer! », a-t-elle continué.

« Ce que je peux vous dire, c’est que ces crédits n’ont pas fait l’objet d’une décision d’annulation. C’est une première étape. L’hypothèse d’un arbitrage favorable est toujours valide. Je reste totalement déterminée, car nous avons besoin de ces 700 millions pour l’équipement de nos forces et la maîtrise du niveau de report de charges en entrée de gestion 2018 », a encore fait valoir Mme Parly.

Par ailleurs, Mme le ministre a bien évidemment rappelé que l’objectif du quinquennat en cours était de porter le budget des Armées à 2% du PIB d’ici 2025, avec une augmentation annuelle de 1,7 milliard jusqu’en 2022.

Mais là encore, cette trajectoire est loin de convaincre tout le monde. À commencer par le sénateur (LR) Dominique de Legge, le rapporteur spécial de la commission des finances. « « Pour atteindre cet objectif, il faudrait une majoration annuelle régulière de 2,25 milliards par an pendant 8 ans. Or, vous nous proposez 1,8 cette année et 1,7 jusqu’en 2022 pour atteindre 40 milliards à cette date. C’est donc un effort de 2 milliards qui devrait être porté pour les trois années suivantes (…) Je ne puis que déplorer, une fois encore, le renvoi de l’effort à plus tard, soit au prochain quinquennat », a-t-il dit.

Quoi qu’il en soit, Les Républicains, les socialistes ainsi les centristes et les Indépendants [Constructifs du Sénat, ndlr] ont annoncé qu’ils s’abstiendraient tandis que le groupe communiste a fait part de son intention de voter contre.

Finalement, dans un hémicycle clairsemé, les crédits de la mission Défense ont été adoptés grâce aux seules voix des groupes « La République en Marche » et « Rassemblement démocratique et social européen ».

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