Airbus avait été prévenu d’une « faiblesse logicielle » avant l’accident d’un A400M à Séville

Le 9 mai 2015, un avion de transport A400M « Atlas » (le MSN023), destiné à la force aérienne turque, s’écrasa près de Séville, peu de temps après avoir décollé de l’aéroport San Pablo pour un vol d’essai. Quatre des six membres de l’équipage y laissèrent la vie.

Selon les premiers éléments, il apparut que trois des quatre turbopropulseurs (TP400-D6) de l’appareil étaient tombés simultanément en panne. Les soupçons se portèrent sur un défaut du FADEC (Full authority digital engine control), leur logiciel de contrôle.

Chaque TP400-D6 de l’A400M est géré par deux calculateurs : l’ECU (Engine Control Unit) et l’Engine Protection and Monitoring Unit (EPMU). Aussi, dix jours après le drame, Airbus, demanda à ses clients d’effectuer des vérifications sur ces derniers.

Puis, le 28 mai, Airbus, via Marwan Lahoud, qui était alors le directeur de sa stratégie, confirma que l’accident n’était pas la conséquence d’une erreur de pilotage ou d’un défaut de conception de l’A400M mais d’un « sérieux problème de qualité dans l’assemblage final. » L’hypothèse d’un logiciel de contrôle des turbopropulseurs qui aurait été mal installé fut dès lors avancée.

Début juin, le constructeur donna le scénario de l’accident. Les moteurs 1, 2 et 3 ne répondirent pas aux sollicitations de l’équipage et subirent un « gel de puissance au décollage » jusqu’à la mise en position de ralenti (flight idle) de la manette des gaz. Seulement les trois TP-400 restèrent à nouveau bloqués, ce qui lui fit perdre de la puissance, jusqu’à l’accident.

Un rapport confidentiel du ministère espagnol de la Défense, cité par l’agence Reuters, donne les raisons de ce drame en expliquant que les données nécessaires au bon fonctionnement des turbopropulseurs avaient été effacées après un premier échec du chargement d’un logiciel au moment de l’assemblage de l’A400M perdu. Comment cela a-t-il pu être possible? Par un « manque de coordination » et des « décisions mal avisées », conclut le document.

Mais le rapport va encore plus loin en affirmant que, en octobre 2014, Airbus et l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) avaient été prévenus par le motoriste Europrop International (Rolls-Royce, MTU et Safran) que des « erreurs d’installation logicielle risquaient de provoquer des pertes de données touchant aux moteurs » et que des « techniciens risquaient de ne pas être avertis de l’existence d’un problème avant le décollage. »

Sollicité par Reuters, Airbus a répondu que l’accident était le résultat de « multiples et divers facteurs et causes afférentes » et que, depuis, il a fait en sorte que « l’enchaînement des causes identifiées ne se reproduise plus ». Quant à l’AESA et EPI, ils se sont abstenus de tout commentaire.

Cela étant, l’enquête met aussi en avant des dissensions entre Airbus et EPI, notamment au sujet de la responsabilité de l’installation des logiciels servant à contrôler les moteurs.

Ainsi, dans le cas de l’A400M détruit à Séville, ce sont des techniciens d’Airbus qui ont procédé à l’installation du programme, en l’adaptant au système informatique de l’appareil. Seulement, EPI a estimé que cette prodécure aurait dû être exécutée par son personnel, « en s’appuyant sur son propre système », au regard du « droit civil ».

Le problème est que l’A400M est un avion faisant l’objet d’une certification civile européenne. D’où la confusion entre droit civil et droit militaire. En outre, Airbus affirme que la conception du logiciel ne « répondait pas » à son cahier des charges, ce que conteste EPI.

Quoi qu’il en soit, les enquêteurs espagnols estiment que l’avertissement adressé par le motoriste en octobre 2014 ne donna pas lieu à une réponse « adaptée » de la part d’Airbus.

« Les mesures adaptative qui ont résulté de cette information n’étaient pas suffisantes », ont-ils en effet écrit, ajoutant qu’une « analyse du risque intégral de la procédure d’installation » aurait dû être effectuée.

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