L’offensive médiatique du général Pierre de Villiers, ex-chef d’état-major des armées

Alors que le Parlement débat actuellement des crédits de la mission Défense pour l’année 2018, le général (2S) Pierre de Villiers vient de lancer une offensive médiatique pour s’expliquer sur les raisons qui l’ont conduit à démissionner de ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA) en juillet dernier.

Pour rappel, lors d’une audition à huis clos devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le général de Villiers avait utilisé des termes « fleuris » pour qualifier la coupe de 850 millions d’euros devant alors affecter le budget de la Défense. Même si, à aucun moment, il ne contesta le pouvoir politique, cela lui valut d’être « recadré » sèchement par le président Macron lors de la réception organisée la veille du 14-Juillet par le ministère des Armées.

Cinq jours plus tard, bien que récemment confirmé dans ses fonctions, le général de Villiers deviendra le premier CEMA à donner sa démission sous la Ve République. À cette occasion, certains éditorialistes, se croyant encore à l’époque du putsch d’Alger (avril 1961) se laissèrent aller à des commentaires inopportuns… Peut-être en prendront-ils conscience à la lecture de « Servir « , le livre « surprise » que le général de Villiers vient de publier aux éditions Fayard.

« Cette démission, que rien n’annonçait quinze jours plus tôt, était devenue pour moi un devoir. J’ai désormais une responsabilité, celle de dire la vérité sur les menaces auxquelles nous devons faire face et sur les défis de nos armées. Ainsi, les Français pourront mieux comprendre », écrit en effet l’ancien CEMA pour présenter son ouvrage.

S’agissant de ses relations avec Emmanuel Macron avant sa démission, le général de Villiers dit qu’elles ont été « empreintes de franchise, de confiance et de cordialité. » Quand il était secrétaire général adjoint de l’Élysée, le futur président l’avait même aidé à « remporter une difficile bataille budgétaire » au printemps 2014. À l’époque, Bercy réclamait une baisse du budget de la Défense, dans le cadre d’un plan d’économies de 50 milliards d’euros. Il fut rapporté que les 4 chefs d’état-major (Armées, Air, Terre, Marine) menacèrent de démissionner…

L’annonce, par voie de presse, d’un coup de rabot de 850 millions d’euros sur le budget des armées, a donc mis une ombre sur cette relation entre le président et le CEMA.

« Ces dernières années, j’ai surtout mesuré combien la vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef. […] Lyautey affirmait : ‘Quand j’entends les talons claquer, je vois les esprits qui se ferment.’ La vraie obéissance se moque de l’obéissance aveugle », explique le général de Villiers. Pour lui, « la loyauté n’est pas l’esprit de cour ni l’assentiment permanent à ce qui peut être utile pour se faire bien voir. Le silence est parfois proche de la lâcheté. »

Aussi, l’ancien CEMA n’a pas caché la vérité sur la situation des armées à l’actuel locataire de l’Élysée. Ce que ce dernier a visiblement mal pris.

« Nous ne pouvons plus traiter des problèmes de défense avec une approche comptable comme nous l’avons connue dans les années 2000. […] Nous n’en sommes plus aux interventions ponctuelles dans l’espace et dans le temps. La phase militaire de la majorité des engagements extérieurs dure en moyenne une quinzaine d’années », fait valoir le général de Villiers.

Ce qui n’est pas sans rappeler la position de son successeur, le général François Lecointre. « Les réflexes de régulation budgétaire sauvages viennent trop souvent, malheureusement, détruire le travail de cohérence qui est effectué dans le cadre de l’élaboration de la loi de programmation militaire et des lois de finances initiales », a-t-il en effet lancé, lors de la dernière Université d’été de la Défense.

« Le ministère de la Défense a été le plus important contributeur de la révision générale des politiques publiques (RGPP) instaurée en 2007 […] En poste à Matignon entre 2008 et 2010, j’ai pu le vérifier, chiffres à l’appui […] Lorsque les engagements opérationnels sont en hausse et le budget en baisse, j’appelle cela un grand écart », explique encore l’ancien CEMA.

Mais ces considérations budgétaires ne suffisant pas à expliquer la démission du général de Villiers. Le « recadrage » du 13 juillet a évidemment beaucoup pesé dans la balance. « Critiqué publiquement et explicitement, devant les représentations étrangères, dont mon homologue américain présent à mes côtés pour notre fête nationale, devant les familles des soldats morts au combat au cours de l’année, devant les blessés des armées et l’ensemble des représentants de la communauté de défense, il me semblait impossible de poursuivre ma mission », explique-t-il. « le lien de confiance entre le chef des armées et son chef d’état-major était trop dégradé pour que je puisse continuer à mon poste », insiste-t-il. « Quel gâchis d’en être arrivé là », conclut-il.

Le général de Villiers aura l’occasion de revenir sur cet épisode au cours de ces prochains jours, dans le cadre de la promotion de son livre (tiré à 80.000 exemplaires). L’hebdomadaire Le Point va lui ouvrir ses colonnes dans son prochain numéro et il sera invité de RTL (le 10 novembre à 7h50) et du journal de 20 heures de TF1.

Servir , par le général Pierre de Villiers – Fayard

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