Les collisions de deux destroyers américains avec des navires civils étaient évitables

Cet été, 17 marins ont perdu la vie au cours de deux incidents séparés. En juin, le destroyer USS Fitzgerald était entré en collision avec le porte-conteneurs MV ACX Crystal, alors qu’il venait de quitter le port japonais de Yokosuka. Même chose pour l’USS John McCain, un navire du même type, vers le détroit de Malacca.

Ces deux incidents étant venus s’ajouter à deux autres ayant eu lieu plus tôt dans l’année, l’hypothèse de cyberattaques fut avancée. Ou, du moins, elle n’était pas exclue. Ce que les spécialistes de la Xe Flotte [commandement de la marine américaine dédié au opérations dans le cyberespace, ndlr] cherchèrent à vérifier. Et, après avoir analysé toutes les données des sytèmes informatiques des deux navires, ces derniers ont écarté cette piste.

D’où la conclusion des enquêtes internes menées par la marine américaine : ces deux collisions auraient pu être évitées, leur responsabilité ayant été attribuée aux officiers chargés de la conduite des destroyers au moment des faits. Ce n’est cependant pas une surprise : des sanctions ont déjà été prises à leur égard.

Dans le cas de l’USS Fitzgerald, l’enquête a déterminé que sa collision avec l’ACX Crystal était le résultat d’une « accumulation de petites erreurs qui ont abouti à une absence de bonnes pratiques de navigation. »

Ainsi, le destroyer n’a pas respecté les règles internationales de navigation (comme céder le passage à tout navire venant par tribord) et sa vitesse était excessive au moment des faits. En outre, les marins de quart ont surveillé le côté babord du bâtiment alors que le danger venait de tribord. Trois minutes avant la collision, il y a eu des scènes de panique, avec des ordres annulés ou qui n’ont pas été exécutés.

Pendant que se nouait le drame, le commandant et son adjoint, ainsi que le maître Brice Baldwin n’étaient pas présent sur le pont. Ils « ont perdu la conscience de la situation alors qu’ils avaient la responsabilité de l’équipe de quart », avait expliqué l’US Navy pour justifier les sanctions prises à leur égard.

« Les trois principaux officiers de bord étaient absents au moment des faits, vers 01H30, et les officiers de quart n’ont pu bénéficier de leur expérience », confirme l’enquête. « Ils ne s’étaient pas rendu compte du danger de collision à temps pour réagir convenablement et ils n’ont pas alerté le commandant quand ils ont compris le danger », ajoute-t-elle.

Cela étant, le rapport avance que le « niveau de fatigue » de l’équipage et les « lacunes dans les connaissances » [des marins] ont probablement contribué » à cette collision, qui a fait 10 tués.

S’agissant de l’USS John McCain, sa collision avec le pétrolier MV Alnic MC « résulte principalement d’une atmosphère d’auto-satisfaction, de suffisance et de mépris pour le respect des procédures », souligne l’enquête. Qui plus est, certains marins de quart, autrefois affectés à bord du croiseur USS Antietam (lui aussi impliqué dans un incident, cette année), ne connaissaient pas le fonctionnement du destroyer. Aussi, des ordres n’ont pas été exécutés correctement.

Seulement, les mesures prises par le commandant pour y remédier n’ont pas été heureuses étant donné qu’elles ont contribué à « exacerber » le problème. Comme celle ayant consisté à réduire la vitesse du navire de moitié alors que le timonier avait perdu la direction, ce qui a provoqué un large virage incontrôlé sur babord. Qui plus est, les communications entre les deux navires (l’USS John McCain et le MV Alnic MC) ont été inexistantes avant la collision.

Certaines conclusions de cette enquête rejoignent celles d’un rapport du Government Accountability Office (GAO). Selon ce document, les marins américains seraient sur-sollicités (en particulier dans la région Asie-Pacifique) en raison d’un rythme opérationnel trop élevé et leur formation ainsi que leur entraînement seraient négligés, par manque de temps. Et cela d’autant plus que, avec l’automatisation des navires, les équipages ont été réduits.

Ce danger guette d’ailleurs la marine française. Dans un long et captivant reportage relatif à une mission de la FREMM Auvergne en mer de Chine méridionale, Nathalie Guibert, du Monde, note : « Partis depuis deux mois, les marins de l’Auvergne sont las. Cette nouvelle frégate ‘multimission’, conçue pour un équipage réduit de moitié, use les hommes. »

Quoi qu’il en soit, la Flotte du Pacifique, principalement concernée par les incidents de ces derniers mois, vient de se doter d’un « Detachment Naval Surface Group » qui sera chargé de superviser les affectations du personnel, la préparation et la certification de tous les navires de surface affectés au Japon.

« Je suis ici pour protéger la ressource la plus précieuse que nous ayons : le temps nécessaire à la maintenance et à la modernisation de nos systèmes ainsi qu’à l’entraînement ciblé qui renforce la confiance et la compétence pour combattre et gagner en mer », a expliqué le capitaine Rich Dromerhauser, le chef de cette nouvelle unité.

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