Comment le ministère des Armées s’y est pris pour compenser la coupe budgétaire de 850 millions?

En juillet, le ministère de l’Action et des Comptes publics annonçait un coup de rabot de 850 millions d’euros sur le budget des Armées. Ce qui provoqua la démission du général Pierre de Villiers, qui venait pourtant d’être confirmé dans ses fonctions de chef d’état-major des armées pour une année supplémentaire. « Ces décisions de gestion (…) n’auront aucun impact, ni sur la stratégie, ni sur les capacités, ni sur l’effort » de défense, assurait alors le président Macron. Ce qui est vrai… sur le court terme.

Étant donné qu’il n’était pas possible de prendre ces 850 millions d’euros sur le titre II, c’est à dire les soldes des militaires, le programme 146 « Équipement des Forces » fut donc sollicité. Et, depuis, il est compliqué d’avoir une idée précise des programmes qui ont été impactés par ces « mesures de gestion ».

Aussi, les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées n’ont pas manqué de demander des précisions lors de l’audition du Joël Barre, le nouveau Délégué général pour l’armement (DGA).

Ce dernier a donc donné le détail des mesures prises pour faire face à ce coup de rabot budgétaire. Ainsi, 430 millions d’euros ont été trouvés grâce à « de moindres versements aux organisations internationales » auxquelles la France participe, dont l’agence de l’Otan chargée du programme NH90 et l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement (OCCAR)

« L’annulation de 850 millions d’euros de crédits de paiement nous a d’abord conduits à prendre des mesures sans impact physique immédiat, à hauteur de 430 millions d’euros, à savoir pour l’essentiel de moindres versements aux organisations internationales auxquelles nous participons, en particulier l’agence de l’Otan chargée du programme NH90 et l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement », a expliqué le DGA.

« Nous avons en outre réévalué les besoins de paiement prévus pour 2017 sur les programmes : ceci nous a permis de réduire les besoins de paiement de 200 millions d’euros », a continué M. Barre.

Seulement, ces mesures, si elles n’ont pas un « impact physique », vont se traduire par un report de charges sur les années suivantes. Selon le DGA, il sera compensé par une « une réduction des paiements en 2018, grâce à la renégociation de contrats d’armement et le décalage d’un certain nombre d’opérations. »

Parmi les programmes concernés, l’on trouve le passage au standard F4 du Rafale, dont le développement a obtenu un feu vert de la part de Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, en mars dernier. « Le lancement du standard F4 est indispensable pour apporter à nos armées, à l’horizon 2025, un appareil aux performances accrues répondant à des réalités d’engagements de plus en plus exigeants », avait-il expliqué à l’époque.

Selon M. Barre, la Direction générale de l’armement (DGA) renégocie actuellement avec Dassault Aviation « les études à réaliser » dans le cadre de ce programme. Et d’assurer que cette réorganisation « ne devrait pas remettre en cause le lancement du standard à la fin 2018. »

Autre programme important victime de la coupe budgétaire : la rénovation des Mirage 2000D. « Nous allons enfin décaler d’environ six mois de l’arrivée des premiers Mirage 2000D rénovés prévus en 2020, ce qui est cohérent avec le plan de retrait des flottes anciennes », a dit M. Barre.

Les Frégates de taille intermédiaire (FTI) feront également l’objet d’une rénogociation, notamment sur les « conditions logistiques entourant » leur « acquisition », ce qui, assure le DGA, « ne devrait pas remettre en cause les besoins opérationnels de la Marine, puisque la date de livraison de la première frégate resterait inchangée. »

Alors qu’il doit être livré en 2018, le premier Avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), dont deux exemplaires ont été commandés en juin 2016 auprès de Thales et Sabena Technics, n’aura pas de capacité radar pendant quelques mois.

« La capacité de surveillance et de détection sera assurée dans un premier temps par une boule optronique. Dans l’attente de l’arrivée de la capacité radar sur la flotte patrimoniale d’ALSR, le recours aux ALSR locatifs, équipés de cette capacité et déployés sur les théâtres d’opérations, permettra de pallier ce déficit capacitaire », a précisé le DGA.

Comme l’avait déjà indiqué le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), la livraison de tourelleaux téléopérés pour les véhicules Griffon sera décalée. « Il s’agit d’un complément d’acquisition programmé dans le cadre de la première étape du programme Scorpion, qui correspond à l’augmentation du nombre de Griffon équipés d’emblée de ces tourelleaux. Nous serons capables d’équiper la moitié des Griffon livrés pour les engager en opération en 2021 », a assuré Joël Barre.

Autre décalage : la charge utile « Renseignement électromagnétique » (ROEM) des drones MQ-9 Reaper de l’armée de l’Air. « Nous envisageons dorénavant de mettre en place ces charges utiles ROEM pour 2020 sans mettre en cause nos engagements dans la bande saharo-sahélienne », a indiqué le DGA.

Enfin, les Rafale Marine devront patienter pour être doté d’un système de détection de départs de missile de nouvelle génération. « Cette mesure était destinée à mettre à niveau les systèmes d’autoprotection des dix premiers Rafale Marine livrés au standard F1, qui sont en cours de rétrofit sur le standard F3 », a souligné M. Barre.

Quoi qu’il en soit, l’enjeu maintenant pour le ministère des Arméses est d’obtenir le déblocage des 700 millions d’euros qui sont encore gelés par le ministère des Comptes publics. Des disccusions sont toujours en cours avec Bercy (du moins, elles l’étaient encore lors de l’audition du DGA, le 18 octobre). « Sans dégel de tout ou partie de ces crédits, nous sommes à la veille de la cessation de paiement, sensiblement à la même période que l’an passé », a-t-il d’ailleurs prévenu.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]