Paris veut « tirer les conséquences opérationnelles » du rapport de l’ONU sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun
Comme la commission d’enquête des Nations unies sur les droits de l’homme avant lui, le Joint Investigative Mechanism (JIM), c’est à dire le groupe d’experts de l’ONU et de l’OIAC (*) a conclu que le régime syrien était bel et bien responsable de l’attaque au gaz sarin ayant fait au moins 83 victimes, le 4 avril dernier, à Khan Cheikhoun, localité située dans la province d’Idleb.
« Le groupe [d’experts, ndlr] est convaincu que la République arabe syrienne est responsable de l’usage de sarin sur Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 », a en effet affirmé le JIM dans son rapport.
Sans attendre les conclusions de la moindre enquête, les États-Unis avaient tiré une salve de missiles de croisière Tomahawk sur la base aérienne d’al-Shayrat, suspectée d’avoir servi à cette attaque chimique. Plus tard, la France présenta des preuves de l’implication du régime syrien dans cette affaire et contesta ainsi les explications avancées par Damas.
Selon le régime syrien, qui était censé avoir détruit tous ces stocks d’armes chimiques, la dispersion de gaz toxique à Khan Cheikhoun aurait été provoquée par le bombardement d’un entrepôt abritant des fûts de sarin. Son allié russe parla d’un obus qui aurait explosé au sol et non d’une attaque aérienne…
Aussi, et comme l’on pouvait s’y attendre, la Russie, qui a déjà remis en cause le travail des experts parce qu’ils refusèrent des échantillons fournis par Damas, a estimé que le rapport du JIM comportait des « de nombreuses contradictions, des incohérences logiques, une utilisation de témoignages douteux et de preuves non confirmées ».
« À la différence de nos interlocuteurs, qui dorment et ne rêvent de ce rapport que pour l’utiliser comme une arme pour leurs propres objectifs géopolitiques en Syrie, nous avons tranquillement et professionnellement étudié le contenu de ce document », a fait valoir Sergueï Riabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères.
Quant à la France, elle estime au contraire que le rapport du JIM est une « confirmation des graves violations du régime syrien » qui s’était engagé en 2013 à démanteler son arsenal chimique.
Et selon Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française, Paris « continue d’agir avec ses partenaires, à New York et à la Haye, pour tirer les conclusions opérationnelles du rapport et déterminer la meilleure façon de sanctionner les responsables de ces attaques, pour lutter contre la prolifération chimique. » Car, a-t-il expliqué, « l’impunité n’est pas acceptable. »
En mai dernier, le président Macron avait prévenu. « L’utilisation d’une arme chimique par qui que ce soit fera l’objet de représailles et d’une riposte immédiate de la part des Français », avait-il en effet déclaré, après avoir un entretien avec son homologue russe, Vladimir Poutine, dans un salon du château de Versailles.
Plus tard, dans un entretien diffusé par plusieurs journaux européens, dont Le Figaro, M. Macron s’était montré encore plus clair. « Les États-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences », avait-il dit. Aussi, « l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les États-Unis », avait-il continué.
Photo : Vue de la base syrienne d’al-Shayrat, après les frappes américaines