Le Pdg de Leonardo préoccupé par les projets franco-italiens en matière de construction navale militaire

Le ministre italien de l’Économie et des Finances, Pier Carlo Padoan, s’est voulu rassurant sur la prise de contrôle par Fincantieri du chantier naval STX France, objet d’un bras de fer entre Paris et Rome au cours de l’été dernier.

Pour rappel, afin de ménager ses intérêts, l’actuel gouvernement français avait remis en cause un accord qui, conclu en avril par son prédécesseur, devait donner à Fincantieri le contrôle de STX France.

Finalement, et après avoir nationalisé le chantier naval, seul en mesure de construire des coques pour des navires militaires aussi imposants que peuvent l’être des porte-avions, Paris et Rome finirent, en septembre, par se mettre d’accord sur un nouveau pacte d’actionnaires, Fincantieri devenant majoritaire avec un prêt à long terme – et sous conditions – portant sur 1% du capital accordé par l’État français. Dans le même temps, des discussions sur un rapprochement dans la construction navale militaire furent lancées.

« La France et l’Italie partagent un but identique. Ce rapprochement est une opportunité en or pour mettre en place une entreprise européenne, avec une vue stratégique, qui peut rapidement gagner une position de leader mondial dans la construction navale, militaire et civile », a ainsi commenté M. Padoan, dans les colonnes de l’hebdomadaire Challenges.

Quant aux craintes suscitées par cette opération, le ministre italien a dit comprendre qu’il « puisse y avoir des préoccupations. » Mais, a-t-il ajouté, « il n’y a aucune raison d’avoir peur de l’Italie » car « STX va continuer d’investir à Saint-Nazaire ». En outre, a-t-il expliqué, des « mécanismes vont empêcher toute tentative de transferts de technologie ailleurs qu’à Saint-Nazaire. »

« L’Italie est ouverte aux entreprises étrangères. Nous accueillons l’investissement étranger. Beaucoup d’entreprises françaises ont d’ailleurs acquis des entreprises italiennes, et cela s’est bien passé, les marques ont été préservées. Pour moi il n’y a donc pas de problème. Nous sommes partenaires », a encore souligné M. Padoan.

Cela étant, dans le domaine militaire, tout le monde ne partage pas cet optimisme. L’idée qui est sur le table consiste en un rapprochement entre le français Naval Group (ex-DCNS) et Fincantieri, sur le modèle de l’alliance Renault-Nissan. C’est à dire qu’il y aurait un échange de parts entre les deux groupes, avec la recherche de synergies et la mise en place de projets communs (ou du moins ayant une même base technologique).

Pour autant, ce montage préoccupe Alessandro Profumo, le Pdg du groupe de défense Leonardo, qui équipe les navires construits par Fincantieri.

« Il n’y a pas encore une vision spécifique » sur cette alliance, mais « je souhaite que le projet soit défini de manière à protéger les compétences spécifiques de Leonardo, qui sont les compétences de tout le pays », a en effet déclaré M. Profumo, le 25 octobre, lors d’une audition parlementaire.

« Je vis ce sujet avec préoccupation parce que les Français sont bons pour défendre leurs compétences. Une action spécifique pour protéger les nôtres serait opportune », a continué le Pdg de Leonardo.

En septembre, ce dernier avait pourtant affirmé vouloir une implication – au moins indirecte – de son groupe dans l’accord portant sur STX France. « C’est un plan non seulement intéressant mais aussi quasi-inévitable, mais nous devons bien l’étudier », avait expliqué une source du ministère italien de la Défense au quotidien La Repubblica.

En réalité, Leonardo craint d’être le dindon de la farce en cas de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group, dont Thales, l’un des concurrents, est actionnaire. En clair, M. Profumo redoute que son groupe soit délaissé pour la fourniture des systèmes de gestion de combat et autres capteurs qui équiperont les futurs navires franco-italiens.

En attendant, Leonardo devrait réaliser, cette année, un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros (comme l’an passé) et son carnet de commandes reste bien rempli (entre 12 et 12,5 milliards d’euros).

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