« Sauf à y envoyer des troupes », le chef de la Gendarmerie ne voit pas comment réduire les violences en Guyane

En novembre 2016, alors qu’il était entendu par les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées, le directeur de la Gendarmerie nationale (DGGN), le général Richard Lizurey, avait décrit une « situation explosive » à Mayotte, département français situé dans l’archipel des Comores.

Plus tôt, en mai, Stéphane Le Foll, alors porte-parole du gouvernement, avait évoqué le sujet « extrêmement brûlant » de l’immigration venant des Comores. Ce qui donnait lieu à des tensions communautaires « assez inacceptables ». En outre, il était fait état d’une hausse importante des agressions physiques (50% entre 2014 et 2015), des vols et des trafics.

Le mois suivant, le ministère de l’Intérieur annonça un plan visant à augmenter ses effectifs à Mayotte afin d’y mener des « opérations de prévention et sécurisation autour des établissements scolaires et hospitaliers » et pour renforcer « la lutte contre les cambriolages » et « l’immigration clandestine. » Pour quel résultat?

Près d’un an plus tard, le constat dressé par le général Lizurey devant les sénateurs est exactement le même. « Tous les jours, j’entends parler de caillassages de gendarmes et de véhicules, d’agressions, ou d’opérations de ‘décasage’ du fait de tensions intracommunautaires », a-t-il confié aux députés de la commission de la Défense nationale, le 11 octobre.

« La situation à Mayotte constitue une bombe sociale, qui explosera on ne sait pas quand. Mais cela arrivera », a insisté le DGGN. Et cela même failli arriver en janvier dernier, à cause d’un problème de manque d’eau.

« Pendant quinze jours, il y a eu des coupures d’eau deux jours sur trois, alors qu’il faisait très chaud. On a même dû évacuer des gendarmes et des familles. Ce manque d’eau a canalisé les tensions. Elles sont toujours là », a expliqué le général Lizurey (sans vouloir faire de jeu de mots). Aussi, a-t-il insisté, « il est certain qu’à Mayotte, un jour ou l’autre, nous serons confrontés à des difficultés ». Ce qui en fait, pour lui, le « territoire le plus préoccupant. »

Mais Mayotte n’est pas le seul territoire inquiéter le patron des gendarmes. La Guyane concentre également son attention parce que la situation y est également très préoccupante.

Au-delà de la lutte contre l’orpaillage illégal (qui fait l’objet de l’opération Harpie, menée avec les moyens des Forces armées en Guyane), le général Lizurey a alerté les députés sur un niveau élevé de violence qui règne dans ce territoire.

« La situation est assez difficile à Kourou, avec le centre spatial et ses cadres qui ont un niveau de vie correct, et tout autour, des gens socialement très défavorisés qui ne cherchent qu’une chose : aller chercher l’argent là où il est », a expliqué le DGGN. « Le niveau de violence augmente en Guyane, et je ne vois pas très bien comment les choses peuvent s’arranger, sauf à y envoyer des troupes », a-t-il ajouté.

Actuellement, 7 escadrons de gendarmerie mobile (sur 109) sont présents en Guyane qui « est, de fait, l’endroit du territoire national où il y a le plus d’escadrons en renfort. » Difficile d’en faire davantage.

Quant à la Nouvelle-Calédonie, le général Lizurey s’attend à vivre des moments difficiles dans les mois à venir, alors que la situation est déjà très tendues sur l’archipel, dont la population est appelée à participer à un référendum d’autodétermination en novembre 2018.

« Depuis le mois d’octobre 2016, vingt gendarmes ont été blessés par balle – ce qui fait de cette île l’endroit du territoire national où l’on compte le plus de blessés par balle –, ayant fait l’objet de tirs directs, avec des projectiles transperçant les blindages des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), ce qui est très préoccupant », a-t-il dit.

« On retrouve en fait tous les ingrédients d’une situation que l’on a connue il y a quelques années, et il est certain que le référendum qui doit avoir lieu à la fin du deuxième semestre 2018 ne va faire qu’exacerber les tensions, ce qui doit nous conduire à faire preuve d’une vigilance accrue et à renforcer nos troupes sur place », a encire estimé le général Lizurey.

Pour le moment, 5 escadrons de gendarmerie mobile sont déployés en Nouvelle-Calédonie et du matériel devant permettre d’en équiper 9 a été « projeté » sur place.

« Nous avons projeté des véhicules blindés supplémentaires – en l’occurrence une dizaine de véhicules de l’avant blindés (VAB) récupérés d’Afghanistan – en Nouvelle-Calédonie, où se trouve désormais stationnée la totalité de la composante blindée, ainsi qu’une capacité de mobilité, c’est-à-dire des véhicules de transport de troupes pouvant équiper jusqu’à neuf escadrons », a détaillé le général Lizurey.

« De cette manière, nous serons prêts à l’action dès le 1er janvier prochain, et j’ai engagé le centre de planification et de gestion de crise de la direction générale (CPGC), qui a procédé à une évaluation initiale avant de planifier cette opération, ce qui nous a conduits à faire en sorte d’être en mesure d’intervenir rapidement, en ayant mobilisé sur place à l’avance les moyens nécessaires », a-t-il assuré.

Photo : (c) Gendarmerie de Guyane

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