Un groupe se disant lié à l’État islamique lance un appel au « jihad » en République démocratique du Congo

Invité de la matinale de France Inter, ce 18 octobre, le député européen (LR) Arnaud Danjean, qui a dirigé les travaux du comité de la Revue stratégique, n’a pas montré un optimisme débordant alors que le territoire tenu par l’État islamique (EI ou Daesh) au Levant se réduit de jour en jour.

« De nouveaux théâtres de jihad vont apparaître », a en effet estimé M. Danjean, avant de citer ceux qui existent encore. « D’abord, l’Afghanistan constitue toujours une forme de sanctuaire, où on a vu l’État islamique se développer, ce qui est relativement nouveau. Nous avons vu ce qui s’est passé – et qui se passe encore – aux Philippines. Donc l’Asie du Sud-Est constitue un foyer jihadiste plus que potentiel. Et puis vous avez toute la partie africaine, sahéliennen bien sûr, où nous sommes engagés militairement, mais également l’Afrique de l’Ouest, où il se passe un phénomène inquiétant qui est le prosélytisme islamiste radical, qui supplante les configurations traditionnelles de l’islam », a-t-il expliqué.

La Corne de l’Afrique est aussi concernée, avec les milices Shebab en Somalie lesquelles ont mené (et mène encore) des opérations dans les pays voisins, comme à Djibouti ou au Kenya. Et peut-être qu’il faudra bientôt ajouter la région des Grands Lacs, et plus particulièrement la République démocratique du Congo, qui connaît une instabilité récurrente depuis plusieurs années, avec la présence d’une multitude de groupes armés qui, créés sur des bases ethniques et religieuses convoitent ses importantes ressources naturelles. Et le tout, sur fond d’ingérence extérieures.

Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ainsi que celles de la MONUSCO [Mission des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo, ndlr] ont toutes les peines du monde à venir à bout de ces groupes armés. Quand l’un d’eux dépose les armes, un autre apparaît dans la foulée.

Ainsi, dans le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU relatif à la RD Congo, l’on compte notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), présentes dans la région du Kivu, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), active dans les provinces les provinces du Bas-Uélé et du Haut-Uélé, les Forces nationales de libération, la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), le groupe Maï-Maï, le mouvement Bundu Dia Kongo/Bundu Dia Mayalales et les milices Kamuina Nsapu et Bana Mura. Ces entités ciblent essentiellement les populations civiles, en fonction de leur appartenance ethnique. Ce qui donne lieu à des massacres qui, il faut bien l’admettre, ne font pas la « une » des journaux.

Cela étant, un autre groupe est particulièrement actif dans les environs de Beni (province du Nord-Kivu) : les Forces démocratiques alliées (ADF). Accusé d’avoir commis de nombreux massacres de civils dans le secteur, ce mouvement, créé en 1995 en Ouganda, s’est rapproché d’organisations islamistes radicales.

« Effectivement, le terrorisme islamiste s’est installé dans le Kivu, notamment à Béni au Nord-Kivu par trois entrées. Vous avez Uvira qui est au Sud-Kivu à la frontière avec la Tanzanie; Béni, à la frontière avec l’Ouganda et l’Ituri au nord-est de la RDC. Ils ont bénéficié de la porosité des frontières et ont trouvé un terrain où les paysages leur sont favorables. Avec la forêt et ses ravins, avec ses falaises, ses grottes et tout ce que la nature peut donner dans la forêt impénétrable du Parc des Virunga. C’est là qu’ils ont installé leur base qu’ils appellent Medina », expliquait, en janvier, au blog Geopolis de Franceinfo, congolais Nicaise Kibel’bel Oka, auteur d’une longue enquête.

Toutefois, une note [.pdf], publiée en février par l’IFRI, souligne que l’islam n’a qu’une « présence marginale et périphérique » en RD Congo. Et que, par conséquent, les ADF constituent une « anomalie ». Aussi, l’influence jihadiste grandissante dans le Nord-Kivu est pris par son auteur avec scepticisme si ce n’est avec beaucoup de précautions, car, aucun élément concret ne viendrait l’étayer.

« RDC, l’islam radical oscille entre manipulation et mythe. Le seul groupe islamiste visible, les ADF, n’a plus de liens avec le gouvernement soudanais et n’a pas de lien démontré avec les Shebab [somaliens]. Les ADF ne sont pas dans une logique de recrutement de croyants et d’expansion d’un califat en Afrique mais dans une logique de sanctuarisation territoriale et ce groupe présente une version très tropicalisée de l’islamisme radical », lit-on en effet dans cette note de l’IFRI.

Cependant, les canaux jihadistes habituels ont récemment diffusé la vidéo d’un groupe qui, appelé « Madinat Tawhid wa-l-Muwahidin » (MTM, la ville du monothéisme et des monothéistes), serait présent en République démocratique du Congo. Sur les images, de piètre qualité, l’on voit des hommes armés, dont un, visiblement étranger, s’exprimant en arabe. Ce qui serait inédit.

Au cours de cette courte vidéo (2 minutes), le combattant étranger appelle « les musulmans à travers le monde à venir au Congo ». Et d’ajouter : « Je jure devant Dieu que c’est le Dar al-Islam de l’État islamique en Afrique centrale » et « qu’ici nous sommes dans le jihad. »

Pour le moment, on ignore où ce groupe, jusqu’alors inconnu, a établi ses bases et s’il a des liens avec les ADF. L’on peut supposer qu’il est présent dans le Kivu-Nord. Rien de plus.

« Une dizaine de jeunes sont déjà tombés dans l’escarcelle de l’hydre terroriste », avait affirmé, en novembre 2016, Cheik Sadiki Kajandi, le président de la Communauté islamique du Burundi (COMIBU). « Nous avons des nouvelles de toutes les provinces du pays et de Bujumbura, il y a des gens qui ont commencé à approcher les jeunes musulmans pour les enrôler. Au moins 10 d’entre eux sont déjà partis en République démocratique du Congo pour être formés », avait-il précisé. Faut-il y voir un lien avec ce mystérieux groupe MTM?

Photo : capture d’écran

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