La Turquie évoque l’achat du système de défense aérienne russe S-500 « Prometheus »
La politique turque en matière de défense aérienne est difficile à suivre. À l’issue d’un appel d’offres lancé en 2013 dans le cadre du programme T-Loramids, Ankara avait choisi le système chinois Hongqi-9/FD 2000, écartant de fait le Patriot PAC-3 des américains Lockheed-Martin et Raython, le SAMP/T du consortium franco-italien Eurosam (Thales et MBDA) et le S-300 russe.
D’après les responsables turcs, le système chinois était le moins coûteux et son choix laissait augurer des transferts de technologie. Seulement, le Hongqi-9/FD 2000 n’étant pas compatible avec les réseaux de l’Otan [la Turquie en est membre depuis 1952, ndlr] et la partie chinoise ayant fait quelques difficultés lors de la négociation du contrat, Ankara renonça à ce système de défense aérienne, par ailleurs inspiré du S-300 russe.
Du coup, le gouvernement turc lança un projet national, impliquant les groupes Aselsan (électronique) et Roketsan (missiles intercepteur). Le tout avec l’appui d’un partenaire étranger. En juillet, un accord de coopération avec Eurosam fut signé à cette fin.
Pour autant, Ankara ne renonça pas à acquérir un système de défense aérienne auprès d’un partenaire extérieur, afin de laisser du temps à ses industriels pour développer une solution nationale. D’où l’intérêt turc pour le S-400 Triumph russe (code Otan : SA-21 Growler), système tout autant incompatible avec ceux de l’Otan que l’était Hongqi-9/FD 2000.
En septembre, après un an de discussions, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, annonça la signature d’un contrat portant sur la livraison de systèmes S-400 pour un montant estimé de 2,5 milliards de dollars, avec selon la presse, les deux exemplaires livrés clés en main par Moscou, les deux suivants devant être assemblés en Turquie, dans le cadre d’un transfert de technologie.
L’on pensait l’affaire réglée quand, le 9 octobre, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Çavuşoğlu, a affirmé que son pays pourrait renoncer aux S-400 si jamais Moscou refusait tout transfert de technologie.
« Nous n’avons reçu aucun refus officiel à ce sujet. Vladimir Poutine lui-même nous a dit que nous pouvions entreprendre des démarches en vue d’une production commune », a-t-il dit au journal Aksam. Toutefois, a-t-il ajouté, « si la Russie y est défavorable, nous pourrons conclure un accord avec un autre pays. » Et d’ajouter, alors que le choix du S-400 est critiqué par certains membres de l’Otan : « Si les pays mal disposés envers la Russie ne veulent pas que la Turquie lui achète des S-400, à eux de nous présenter une autre option. »
D’après le quotidien Kommersant, la Russie est très réticente à l’idée de transmettre ses savoir-faire dans un domaine clé.
« Il s’agit de technologies très complexes : on ne peut pas simplement les prendre et construire chez soi une entreprise produisant ces systèmes », a fait valoir Sergueï Tchemezov, le directeur général de Rostec. « Ces technologies doivent être maîtrisées par un personnel qualifié. Leur formation nécessiterait plusieurs décennies », a-t-il ajouté.
« Malgré la position ferme de la Turquie, les négociateurs russes ont toutefois réussi à obtenir la signature de l’accord sans qu’il y soit question d’un transfert de technologie. De hauts fonctionnaires russes ont affirmé que la Turquie recevrait uniquement des produits finis », a expliqué le journal russe.
Une source de ce dernier a fait lien entre les propos du ministre turc et le feu de l’administration américaine à la livraison du système antimissile THAAD à l’Arabie Saoudite, après que cette dernière a fait part de son intention de se procurer des S-400 russes. « Il est possible qu’Ankara s’attendait à recevoir la même offre de la part des Américains et a été vexée que ce ne soit pas le cas », a-t-elle confié.
Ce qui n’est pas tout à fait exclu… En effet, ce 13 octobre, M. Erdogan a réaffirmé la décision de son pays de se procurer des systèmes S-400. Mieux encore : Ankara aurait même l’intention de commander le modèle supérieur, à savoir le S-500 « Prometheus », conçu pour intercepter et détruire des missiles balistiques intercontinentaux, des missiles de croisière hypersoniques et des avions.
« Dans nos discussions avec (le président russe Vladimir) Poutine, nous n’envisageons pas de nous arrêter aux S-400. Nous discutons également sur les S-500 », a en effet déclaré M. Erdogan.
Cette déclaration du président turc a, là aussi, de quoi rendre dubitatif. En juin dernier, Alexandre Mikheev, le directeur de l’Agence russe d’exportation d’armements Rosoboronexport a fermé la porte à toute exportation éventuelle du système S-500, comme du char T-14 Armata.
« Bien évidemment, le char de dernière génération Armata, le système S-500, le chasseur de cinquième génération et certains autres systèmes d’armement russe ont une perspective d’exportation, cependant des livraisons de ce type ne font actuellement pas partie de nos projets », avait en effet indiqué ce responsable, lors du dernier Salon du Bourget.