La Corée du Nord aurait mis la main sur des plans opérationnels sud-coréens

Evoquer les capacités nord-coréennes en matière de cyberguerre peut prêter à sourire. En effet, il est difficilement concevable qu’un tel pays puisse en être doté. Et pour cause : la Corée du Nord ne passe pas pour être « connectée » (elle n’a obtenu une seconde connexion au réseau des réseaux que très récemment, grâce à l’entreprise russe TransTeleCom) et l’usage de la micro-informatique n’ est apparemment pas développé au sein de sa population.

Seulement, comme le rappelle Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), les Nord-Coréens ont accès à un réseau intranet qui, appelé kwangmyong, est entièrement contrôlé par les autorités. Ce qui dénote déjà d’un certain savoir-faire en la matière.

En outre, depuis la fin des années 1990, l’état-major nord-coréen s’est attaché à se doter de moyens cybernétiques, via le Bureau 121, une unité de « cyberdéfense » qui, selon Séoul, compterait au moins 5.000 agents. Elle serait directement rattachée au « Burau général de reconnaissance », c’est à dire le service de renseignement nord-coréen.

Mais cela ne dit rien sur les capacités réelles de ce Bureau 121. En décembre 2014, les États-Unis accusèrent la Corée du Nord d’être à l’origine du piratage de Sony Pictures. Plusieurs entités et responsables nord-coréens firent d’ailleurs l’objet de sanctions pour cela.

Séoul en fit de même à plusieurs reprises, affirmant que des pirates nord-coréens étaient derrière des attaques informatiques ayant visé des médias, des banques ou encore des entreprises liées à l’énergie, comme Korea Hydro & Nuclear Power Co. Mieux encore, le contre-espionnage sud-coréen a récemment estimé que Pyongyang avait réussi à espionner des téléphones portables de fonctionnaires de ministères clés.

Aussi, est-il plausible que le Bureau 121 ait réussi à mettre la main sur pas moins de 235 giga-octets de données en s’introduisant dans le Centre de données intégré de la défense (DIDC) sud-coréen? C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé, le 9 octobre, le député Rhee Cheol-hee, membre du Parti démocrate, au pouvoir à Séoul.

D’après ce parlementaire, qui a cité des rapports du ministère de la Défense, les pirates nord-coréens ont infiltré les ordinateurs du DIDC en septembre 2016 et volé les plans opérationnels 3100 et 5015, lesquels avaient été établis avec les États-Unis afin de faire face à une situation de guerre totale contre la Corée du Nord.

Selon le député Rhee, sur les 235 GO de contenus ayant fuité, « il y a des plans d’intervention d’urgence pour les forces spéciales, des rapports aux commandants en chef des alliés et des informations sur les principales installations militaires et centrales électriques. »

La date de l’intrusion nord-coréenne correspondrait avec celle du piratage du serveur intranet des forces armées sud-coréennes. En mai, Séoul en avait fait porter la responsabilité à Pyongyang, sans livrer de détails sur la nature des documents éventuellement dérobés.

Si le Bureau 121 est bien derrière ce vol de données, alors cela donnerait une idée plus précise de ses capacités. Car, jusqu’à présent, en dépit des accusations américaines et sud-coréennes portées à son endroit, il n’y a pas de consensus établi sur ce sujet.

« Les avis demeurent très partagés, concernant le degré de dangerosité des pratiques de cyberdéfense de la Corée du Nord et de ses capacités dans le domaine. […] La Corée du Nord est-elle si agressive dans le cyberespace que ne le laissent entendre les déclarations sud-coréennes ou nord-américaines? La liste16 des incidents attribués à la Corée du Nord, que publie le CSIS dans son rapport de 2015, est bien courte : elle n’en relève que 9 depuis 2009 », écrivait [.pdf], en mars 2016, Daniel Ventre, Titulaire de la Chaire Cybersécurité & Cyberdéfense à l’֤Écoles spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.

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