Un rapport estime que l’absence de culture militaire chez les hauts fonctionnaires est une « anomalie »

Pour son onzième rapport depuis sa création, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) s’est penché sur la « la place, la perception et l’attractivité de la fonction militaire dans la société française » et proposé une série de mesures afin de renforcer encore cette dernière ainsi que « le respect des citoyens et la considération de la Nation. »

Mais avant de livrer ses orientations, le HCEM a d’abord, comme il se doit, établit un constat, en particulier au sujet du lien « armée-nation ».

En premier lieu, la fin de la conscription au bénéfice d’une armée professionnelle n’a pas donné lieu à une repli de la communauté militaire sur elle-même, contrairement à ce que certains observateurs pouvaient craindre avec la baisse des effectifs liée à la professionnalisation (et aussi aux contraintes budgétaires imposées aux armées) et l’apparition de déserts militaires.

En effet, comme le souligne le rapport du HCEM, la « fonction militaire bénéficie d’une bonne assise dans la population française », avec une bonne image dans l’opinion publique « en progression constante depuis 35 ans » pour atteindre des niveaux élevés (plus de 80%), ce qui « place la France au premier rang avec la Grande-Bretagne parmi les grands pays européen. »

Mieux encore, avec une physionomie de la communauté militaire « remodelée », avec des personnels issus de la « diversité et de toutes les catégories socio-professionnelles », les forces armées sont à l’image de la Nation et ce fait constitue un atout de la fonction militaire », souligne le document.

Aussi, pour le HCECM, après la fin de la conscription, la « tradition militaire a été conservée » et « l’action de nos forces armées est apparue, à bien des égards, exemplaire. » Pour autant, tout n’est pas parfait et il reste des « insuffisances » qui « qui doivent être comblées pour mieux ancrer la fonction militaire dans la société et dans l’État. »

Au-delà de « l’esprit de défense », qui concerne l’ensemble des citoyens français (du moins en théorie), le HCECM estime que des mesures doivent ête prises dans plusieurs domaines pour renforcer davantage le lien armée-Nation et « l’efficacité de la politique de défense ».

L’un de ces domaines concerne la recherche de défense. Si la création, en 2010, de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) aura été une avancée notable, il n’en reste pas moins que ce dernier « souffre d’un manque de reconnaissance
institutionnelle et académique » et que, en conséquence, son action doit être « renforcée et valorisée ». Au passage, le HCECM estime qu’il faut revoir les modalités de l’expression des militaires sur les questions de stratégie et de défense (toujours, bien entendu, dans le respect de leur obligations statutaires) car « la recherche de défense ne pourrait qu’y gagner. »

Par ailleurs, le rapport souligne que l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) reste « irremplaçable » pour diffuser et entretenir l’esprit de défense parmi les « élites de la Nation », même si, estime-t-il, ses réseaux d’auditeurs gagneraient à être « plus actifs ».

Cependant, d’autres initiatives ont été prises, comme la mise en place de partenariats entre les grandes écoles militaires avec de « grandes écoles privées désireuses d’offrir à leurs élèves des formations liées à la défense. » Pour le HCECM, c’est un signe « prometteur d’une prise de conscience collective ». Seulement, d’autres établissements de premier ordre pourraient s’en inspirer.

Si la question ne se pose pas (ou plus) pour l’École polytchnique, qui a gardé son statut militaire et conservé la période de formation militaire initiale de ses élèves ingénieurs, il n’en va pas de même pour d’autres établissement prestigieux…

« On s’étonnera, en revanche, que les futurs cadres supérieurs et dirigeants de l’État recrutés par l’École nationale d’administration (ENA) et l’École nationale supérieure de la police (ENSP) n’aient, depuis la suspension du service national et sauf exception, plus aucune expérience militaire », lit-on dans le rapport.

« Alors que la conception globale de la défense et de la sécurité nationale forme depuis le Livre blanc de 2008 le marqueur majeur de notre politique en ces domaines, alors que les futurs hauts fonctionnaires de l’État et les futurs hauts responsables de la police nationale en seront demain parmi les principaux acteurs, une telle lacune est plus qu’un paradoxe : c’est une anomalie », insiste le HCECM.

Cela étant, l’instauration d’un nouveau service national d’une durée d’un mois pourrait éventuellement remédier à cette situation. Sauf que, pour le HCECM, ce serait nettement insuffisant. « Il paraît plus que souhaitable d’instaurer dans le cursus de l’ENA et de l’ENSP une obligation militaire d’une durée significative, incluant une période de formation en qualité d’élève-officier suivi d’une période de service effectif dans une unité militaire. »

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