Remplacement des F-16 belges : Le Rafale reste dans la course, dans l’attente de nouveaux avis juridiques

Les acquisitions d’avions de combat donne souvent lieu à des feuilletons à rebondissements au regard de leurs enjeux, qu’ils soient financiers, industriels et technologiques. Et le programme ACCap (Air Combat Capability), qui vise à remplacer les F-16 de la composante « Air » de la Défense belge par 34 nouveaux appareils pour 3,573 milliards d’euro., n’y échappe pas.

Pourtant, au départ, tout était limpide. Un appel d’offres a été ouvert par Bruxelles, avec cinq candidats invités à y participer. Considérant, sans doute, que le cahier des charges favorisait la candidature du F-35A de Lockheed-Martin, Boeing (F/A-18 Super Hornet) a décidé de jeter l’éponge. Premier acte.

Puis, le constructeur suédois Saab (JAS-39 Gripen E/F) a décidé, lui aussi, de déclarer forfait, au motif que les exigences belges impliqueraient une « une politique étrangère et un mandat politique suédois qui n’existent pas aujourd’hui. » Deuxième coup de théâtre.

Enfin, Paris a bousculé le jeu en ne répondant pas, dans les délais impartis, à l’appel d’offres belge. Et pour cause : à la place, la France a en effet proposé à la Belgique de nouer un « partenariat stratégique », dans le cadre duquel 34 Rafale lui seraient livrés. Il est aussi question d’une coopération approfondie entre les forces aériennes des deux pays dans le domaine opérationnel ainsi qu’en matière de formation et de soutien. Le volet industriel n’est pas oublié puisqu’il est également envisagé une « coopération industrielle et technique » impliquant des entreprises belges et françaises.

Cette semaine, n’ayant visiblement pas apprécié l’audace de son homologue française, Florence Parly, le ministre belge de la Défense, Steven Vandeput, a estimé que la candidature du Rafale était juridiquement hors-jeu en ne livrant pas les informations demandées dans le cadre de l’appel d’offres « ACCap ».

Seules les propositions faites par les agences gouvernementales américaine (F-35A) et britannique (Eurofighter Typhoon) doivent, selon M. Vandeput, être prise en compte afin d’éviter d’éventuelles complications juridiques.

Le ministère belge de la Défense est tenu de « respecter les fondements des traités de l’UE, à savoir les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non discrimination » et « continuer de négocier avec la France sur le même contenu, autrement dit dans le cadre » de l’appel d’offres « serait à mes yeux, une infraction contre ces principes. Cela exposerait l’État belge à des critiques et à des poursuites judiciaires », a expliqué M. Vandeput, qui s’en est ensuite remis à son gouvernement pour prendre une décision.

Après cette sortie du ministre belge, de nombreux observateurs ont estimé que l’aventure du Rafale était terminée en Belgique et que la candidature du F-35A avait désormais un boulevard devant elle.

Sauf que c’était parler trop vite. Le conseil des ministres restreint (le kern) a en effet décidé de maintenir le Rafale dans la course, tout en laissant se poursuivre la procédure de l’appel d’offres ACCap. Et cela, dans l’attente d’en savoir plus sur la proposition française (qui n’était pas chiffrée) et d’avoir d’autres avis juridiques. Ce qui suggère que le « partenariat stratégique » soumis par Paris ne laisse pas indifférent à Bruxelles, où l’on pèse les impératifs politiques aux arguments juridiques.

En tout cas, il y a un débat sur « l’ensemble des offres », a fait savoir Didier Reynders, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, alors qu’il était interrogé par la RTBF.

« Nous allons examiner les remarques juridiques et voir les contacts qui sont possibles avec chacun des partenaires, dont la France. C’est un domaine suffisamment important pour la stratégie belge pour que le gouvernement en discute et qu’il ait encore des contacts avec les différents partenaires, dont le partenaire français », a souligné M. Reynders, pour qui « il n’y a pas d’urgence à trancher cela en quelques jours. »

« Cela concerne la politique européenne de la Défense, cela vaut la peine de regarder ce qui est concrètement proposé, mais cela doit pouvoir rentrer dans les conditions du marché. Si les obstacles juridiques sont trop importants, on restera dans le cadre de la procédure », a expliqué le chef de la diplomatie belge.

Cependant, la marge est étroite. Et le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, qui défendent les intérêts du consortium Eurofighter, n’entendent pas rester l’arme au pied. Le 6 octobre, ils ont réaffirmé leur engagement à soutenir la candidature du Typhoon.

« L’Eurofighter Typhoon, l’avion de combat polyvalent testé en opérations le plus évolué du marché, est la seule solution réellement européenne pour la Belgique », qui a « l’occasion de devenir un acteur majeur du développement futur de l’appareil », ont-ils affirmé, via un communiqué conjoint diffusé par leurs ambassadeurs respectifs en poste à Bruxelles. « Un partenariat économique, militaire et intergouvernemental est au centre de l’offre », a encore fait valoir le texte.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]