La France a-t-elle compromis ses chances de vendre des avions Rafale à la Belgique?

La fortune sourit aux audacieux, dit l’adage. Et le coup tenté par Mme le ministre des Armées, Florence Parly, pour vendre 34 avions Rafale à la Belgique, dans le cadre d’un accord intergouvernemental mettant l’accent sur les synergies et les partenariats possibles entre les deux pays, aura pu paraître audacieux.

Pour remplacer ses F-16 (programme ACCap), la Belgique a lancé un appel d’offres et invité cinq constructeurs à y participer, dont Boeing (F/A-18 Super Hornet), Lockheed-Martin (F-35A), Eurofighter, Saab (Gripen E/F) et Dassault Aviation (Rafale F3R).

Considérant que le cahier des charges favorisait la candidature de Lockheed-Martin, Boeing s’est retiré de la course, avant d’être imité par Saab. D’où l’idée française de passer outre l’appel d’offres en proposant directement 34 Rafale à la Belgique, via un accord intergouvernemental. En clair, il s’agissait de répéter la manoeuvre qui avait si bien réussi dans le domaine des véhicules blindés, Bruxelles ayant décidé de rejoindre le programme français Scorpion.

Seulement, l’audace de suffit pas. Encore faut-il faire bien faire les choses. D’après la RTBF, la lettre envoyée par Mme Parly à son homologue belge était écrite en français, alors que l’usage aurait voulu qu’elle le fût en anglais. Au impair, le nom du ministre Vandeput aurait même été « écorché », ce qui peut être agaçant. Enfin, aucun montant de la transaction proposée n’a été communiqué.

Visiblement, M. Vandeput n’a pas beaucoup apprécié cette tentative de passage en force. Il s’en est d’ailleurs expliqué, lors d’une audition parlementaire. La « lettre » d’offre de « partenariat stratégique global » signée par Mme Parly ne donne « aucune réponse aux 164 questions posées aux candidats » ni « aucune offre de prix » dans le cadre de l’appel d’offres lancé en mars », a-t-il souligné.

Or, a-t-il continué, le ministère belge de la Défense est tenu de « respecter les fondements des traités de l’UE, à savoir les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non discrimination. » Et les avis juridiques qu’il a sollicités ne vont pas dans le sens de la proposition française.

« Continuer de négocier avec la France sur le même contenu, autrement dit dans le cadre du ‘Request for Government Proposal’ [l’appel d’offres du gouvernement, ndlr], serait, à mes yeux, une infraction contre ces principes. Cela exposerait l’État belge à des critiques et à des poursuites judiciaires », a fait valoir M. Vandeput.

« Vu qu’il s’agit d’une compétition, le ministère de la Défense doit traiter tous les candidats de la même façon et selon les règles […] Nous ne pouvons que constater que les Français ne souhaitent pas participer à la compétition », a relevé le ministre belge. Toutefois, ce dernier n’a pas complètement fermé la porte à la proposition de Paris. « Il appartient au gouvernement de décider des suites à donner à la lettre de ma collègue française », a-t-il dit. De quoi laisser Mme Parly à penser que la messe n’est pas encore dite.

Ce 6 octobre, sur les ondes de France Inter, Mme le ministre a évoqué les propos de son homologue d’outre-Quiévrain.

« J’ai toujours bon espoir et je suis très déterminée parce que si le ministre de la Défense belge ne s’est en effet pas exprimé en faveur de cette proposition, il a néanmoins indiqué que c’était au gouvernement belge de prendre cette décision », a-t-elle relevé. « Ce qui veut dire que le jeu est encore ouvert », a-t-elle insisté.

Sur le plan juridique, Mme Parly a souligné que l’on « ne peut rien faire pour contraindre, chaque État membre étant absolument libre de ses acquisitions », tout en appelant à la solidarité européenne. « C’est un des arguments – ça ne peut pas être le seul naturellement – que j’ai mis en avant vis-à-vis de mon collègue de la Défense », a-t-elle ajouté.

« Entre une offre américaine et une offre britannique, avec la perspective du Brexit que l’on connaît, c’est vrai que la construction européenne se porterait mieux si les fondateurs de l’Union européenne privilégiaient des acquisitions européennes », a encore plaidé Mme Parly. De quoi convaincre le gouvernement belge? Réponse en 2018.

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