Naval Group veut établir avec Fincantieri une alliance inspirée par Renault-Nissan et non par Airbus

Cette semaine, Paris et Rome ont fini par se mettre d’accord sur la reprise du chantier naval STX France par le groupe italien Fincantieri. Alors que ce dernier croyait avoir partie gagnée en avril, l’élection d’Emmanuel Macron a changé la donne.

Pour la France, le chantier naval de Saint-Nazaire est stratégique puisqu’il est le seul à pouvoir fabriquer des grandes coques, comme celles des porte-avions et des porte-hélicoptères. Aussi, il fallait préserver son avenir en veillant à lier les mains de son repreneur déclaré, à savoir Fincantieri. D’où la nationalisation temporaire de STX France, le temps de trouver une issue.

Finalement, l’accord trouvé prévoit d’accorder 50% du capital de STX France à Fincantieri. Le constructeur italien aura cependant la majorité puisque l’État français va lui « prêter » 1% pendant 12 ans, avec droit de retour s’il ne tient pas ses engagements.

Le reste des parts seront réparties entre l’État français (33,34%), Naval Group, (10%), les salariés (2%) et les industriels sous-traitant (3,66%). Le conseil d’administration comptera 8 membres, dont 4 nommés par Fincantieri, 2 par l’État, 1 par Naval Group et 1 par les salariés. Exit, donc, la Fundazione CR Trieste, qui devait détenir 7% du capital dans le précédent projet.

Par ailleurs, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, avait lié ce dossier avec celui d’une coopération accrue dans le domaine de la construction navale militaire, l’idée étant de rapprocher Naval Group et Fincantieri. Mais le 34e sommet franco-italien au cours duquel s’est noué le sort de STX France n’a pas donné lieu à un accord allant dans ce sens. Un groupe de travail a toutefois été mis en place pour en examiner les modalités.

Le 28 septembre, le Pdg de Naval Group [ex-DCNS, nldr], Hervé Guillou, qui réclame ce rapprochement avec Fincantieri donné sa vision des choses. Ainsi, il n’est pas opportun de parler d’un « Airbus naval », en référence à la création d’EADS en 2000, par la fusion de DaimlerChrysler Aerospace, d’ Aerospatiale-Matra et de Construcciones Aeronauticas. En effet, cette éventuelle future alliance devrait se faire sur le modèle de Renault-Nissan.

« Notre modèle n’est pas l’Airbus du naval, mais plutôt le Renault-Nissan du naval, avec des participations croisées scellant notre volonté stratégique de coopération durable complété par des projets communs porteurs de synergies et de développement », a expliqué M. Guillou. « Pour les synergies, nous ne nous fixons pas de limites : Renault-Nissan en a fait beaucoup plus que ce qu’ils avaient promis au départ. Pour l’instant, le point de départ est de quelques dizaines de millions d’euros », a-t-il ajouté.

L’alliance entre Renault et Nissan a effectivement consisté en un échange de parts entre les deux groupes. Au niveau industriel, les véhicules qu’ils produisent ont souvent des bases communes, quand ils ne sont pas commercialisés sous l’une ou l’autre marque en fonction de leurs réseaux commerciaux respectifs dans un pays donné (par exemple, la Nissan Platina, commercialisée au Mexique, est en réalité une Renault Clio). En outre, les deux constructeurs ont chacun leurs spécialités (les moteurs diesel pour le Français, les moteurs essence de forte cylindrée pour le Japonais).

Un autre avantage de ce type de montage est qu’il reste ouvert à d’autres acteurs. Ainsi, Mitsubishi a rejoint le tandem Renault-Nissan en 2013. Dans le cas de Naval Group et de Fincantieri, on peut imaginer une ouverture vers un autre acteur européen du secteur (Damen, Navantia, Saab Kockums, TKMS, etc.), voire un équipementier. « Nous démarrons tous les deux. Après il y aura de nouveau des ouvertures s’il y a des gens qui souhaitent discuter avec nous. Notre porte est ouverte », a dit M. Guillou.

Un document du ministère italien de l’Économie et des Finances, publié ce 29 septembre et relatif à l’accord trouvé entre Paris et Rome, indique qu’il est question d’un éventuel échange de participation de 5 à 10% entre Naval Group et Fincantieri.

« L’opportunité et les modalités d’un échange (de participations) entre les deux entreprises entre 5% et 10% de leur capital respectif seront analysées et des actions concrètes visant à développer des synergies seront définies et présentées aux deux gouvernements », y est-il précisé. « Cette feuille de route inclut la création d’une co-entreprise équilibrée, dans laquelle des projets communs seraient progressivement développés, avec une priorité donnée aux bâtiments de surface, aux systèmes et à l’équipement », y est-il ajouté.

En attendant, le Pdg de Naval Group s’est dit satisfait de l’accord trouvé au sujet de STX France.

« Nous sommes satisfaits dans la mesure où Naval Group disposera des droits que nous souhaitons exercer pour assurer la souveraineté », a affirmé M. Guillou. « Ce sont des droits qui consistent (…) à avoir accès aux moyens industriels de Saint-Nazaire et à une partie du bureau d’étude qui va avec pour faire un porte-avion ou un BPC pour la France ou pour l’export », a-t-il expliqué.

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