Le chef de l’EI prend acte de la fin de son « califat » et mobilise ses troupes pour la suite

Donné pour mort à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, le chef de l’État islamique (EI ou Daesh), Abou Bakr al-Baghdadi, a donné un signe de vie. En effet, pour la seconde fois depuis qu’il a proclamé un califat englobant les territoires que ses troupes venaient de conquérir en Irak et en Syrie, il a diffusé un enregistrement via al-Fourqane, la « maison de production » qui relaie la propagande de l’organisation jihadiste.

La date de ce message – qui reste toutefois à authentifier formellement – n’a pas été précisée. Mais étant donné qu’al-Baghdadi fait allusion aux menaces nord-coréennes contre les États-Unis et le Japon et évoqué le « sang versé » par les jihadistes à Mossoul, Syrte, Raqa, Ramadi et Hama, l’on peut supposer que cet enregistement est relativement récent.

La diffusion de ce second message d’al-Baghdadi survient alors que le fils d’Oussama Ben Laden, Hamza, a récemment appelé les « frères musulmans de l’Indonésie au Maghreb à se joindre au jihad [en Syrie] pour stopper l’agression des Croisés et des Rafida [un terme péjoratif utilisé pour désigner les chiites, ndlr]. » Cherchant à profiter de l’affaiblissement militaire de l’EI, celui à qui l’on prête l’intention de prendre les rênes d’al-Qaïda tente ainsi d’unifier les jihadistes sous son nom.

D’où, sans doute, la réaction d’al-Baghdadi, alors que l’EI est en grande difficulté sur le plan militaire. Sur le point de perdre ses derniers fiefs en Irak, l’organisation est pratiquement chassée de Raqqa, la capitale de son « califat » et elle fait face à une double offensive dans la province de Deir ez-Zor, l’un étant menée par les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenue par la coalition dirigée par les États-Unis, l’autre par les troupes gouvernementales syriennes, appuyées par la Russie.

En clair, le « califat » qu’al-Baghdadi avait proclamé depuis Mossoul en juillet 2014 n’en a plus pour très longtemps. Aussi, le chef de l’EI entend mobiliser ses troupes pour la suite.

« Les chefs de l’État islamique et ses soldats se sont rendus compte que pour obtenir la grâce de Dieu et la victoire, il faut faire preuve de patience et résister face aux infidèles quelles que soient leurs alliances », a ainsi affirmé al-Baghdadi.

« Nous resterons (présents), nous ferons preuve de résistance et de patience (…) nous ne cèderons pas, bien que nous soyons tués, emprisonnés et malgré nos blessures », a ajouté le chef de l’EI, qui a appelé « les soldats du califat et les héros de l’islam » à continuer leur « jihad » et leurs attaques. « Déclenchez la guerre contre votre ennemi (…) partout », a-t-il insisté, en appelant à « inclure les centres médiatiques des infidèles et le quartier général de leur guerre idéologique parmi les cibles. »

« Ce qui importe ce n’est pas le nombre, les équipements et la force » des adversaires », a-t-il estimé.

« Ne permettez pas aux Croisés et aux apostats d’avoir une vie agréable et confortable à la maison alors que vos frères endurent des tueries, des bombardements et des destructions », a encore exhorté al-Baghdadi, qui s’en est pris aux « nations infidèles », dont « l’Amérique, la Russie et l’Iran. »

La nouvelle phase qu’annonce al-Baghdadi n’est pas une surprise. Elle a même déjà commencé. Après l’épisode de son « califat », l’EI va retourner dans la clandestinité et faire la guérilla tout en perpétrant des attentats, que ce soit au Levant ou ailleurs.

Or c’est en effet déjà le cas : à Ramadi, le 27 septembre, des jihadistes ont occupé trois villages près de cette localité, avant d’en être chassés au bout de quelques heures par les forces irakiennes. Deux semaines plus tôt, Daesh a revendiqué un attentat au lourd bilan (au moins 74 tués) près de la ville de Nassiriya, à 300 km au sud de Bagdad, dans la province de Zi Qar.

« L’EI va sans difficulté conserver une structure clandestine et un appareil de propagande en ligne de haut niveau, capable d’inspirer des djihadistes de par le monde », ont récemment estimé Tara Mooney et Andrew Byers, analystes et co-fondateurs du Counter Extremism Network.

D’autant plus que les conditions qui favorisèrent l’émergence et l’expansion de l’EI n’ont pas disparu : rien n’est prévu, pour le moment, pour prendre en compte les populations sunnites d’Irak et de Syrie.

Quant aux attaques terroristes au-delà du Levant, le coordonnateur national du renseignement américain, Dan Coats, a prévenu, en mai dernier : « En dehors de l’Irak et de la Syrie, l’EI travaille à l’interconnexion entre ses branches et ses réseaux dans le monde et à la complémentarité de leurs actions avec sa stratégie ». Et d’ajouter : « Nous estimons que l’EI garde la volonté et la capacité de diriger, permettre, assister et inspirer des attaques transnationales. »

Qui plus est, il faudra faire face à la menace posée par les « revenants », c’est à dire les jihadistes revenus dans leur pays d’origine après avoir rejoint l’EI au Levant. Enfin, l’organisation jihadiste garde une « base solide de supporteurs dévoués » sur Internet, a prévenu, le 15 septembre, Europol, l’Office européen des polices.

« La régression relative de la propagande ‘officielle’ du groupe EI au cours du dernier mois a créé plus d’espace pour du contenu généré par les utilisateurs pro-EI », a-t-il expliqué.

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