Le chef d’état-major des armées fait une mise au point sur ses prérogatives

Commentant la démission du général Pierre de Villiers de ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA) à l’arrivée d’un étape du Tour de France, le président Macron avait expliqué que son successeur, le général François Lecointre, allait avoir « des troupes à conduire, des opérations à mener, des capacités à défendre et à proposer au chef des armées. »

Et M. Macron d’enfoncer le clou : « Ce n’est pas le rôle du chef d’état-major » de défendre le budget des armées « mais celui de la ministre », en l’occurrence Florence Parly.

Pourtant, le CEMA a bel et bien des prérogatives en matière de budget. C’est, en tout cas, ce qu’indique l’article D3121-9 du Code de la Défense, qui fixe le cadre de ses fonctions. C’est d’ailleurs ce qu’a tenu à rappeler le général Lecointre dans les colonnes du dernier numéro du mensuel « Armées d’aujourd’hui », publié par le ministère des Armées.

« Ma première responsabilité tient au commandement des opérations », qui « n’ont baissé ni de rythme, ni d’intensité », a commencé par dire le général Lecointre. « L’autre responsabilité essentielle tient au besoin opérationnel et à la cohérence capacitaire globale des armées, que je dois garantir. […] Elle se décline en particulier par le rôle que je tiens lors de l’élaboration et de l’actualisation de la programmation militaire », a-t-il continué.

Et le général Lecointre de préciser : « Ces responsabilités s’étendent dans le domaine budgétaire, au titre de la loi organique relative à la loi de finances, en tant que responsable du programme ‘Emploi des forces’, coresponsable du programme ‘Équipement des forces’. »

C’est d’ailleurs pour ces raisons que le CEMA est appelé à « intervenir » devant les commissions parlementaires de la Défense, « notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour expliquer les dynamiques spécifiques aux armées, propres à l’emploi de nos forces et à leur équipement ». Évidemment, il s’agit de faire preuve de transparence et de franchise, d’où le huis clos demandé pour ce type d’audition devant les députés et les sénateurs.

Visiblement, le général Lecointre n’a l’intention de ne rien céder sur ses prérogatives, comme en témoignent les propos qu’il a tenus lors de la dernière Université d’été de la Défense, le 5 septembre. « Les réflexes de régulation budgétaire sauvages viennent trop souvent, malheureusement, détruire le travail de cohérence qui est effectué dans le cadre de l’élaboration de la loi de programmation militaire et des lois de finances initiales », avait-il dénoncé, avant de s’opposer à l’idée de faire supporter au budget des armées l’intégralité des surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX).

« Un complément de solidarité interministériel (…) est extrêmement important pour montrer que ce ne sont pas les armées qui décident de leurs engagements mais que c’est bien un engagement des armées de la France qui est voulu par le gouvernement, le président et qui est validé par le Parlement », avait en effet plaidé le CEMA.

Par ailleurs, le général Lecointre a également fait part de son intention de revoir les « modalités de fonctionnement entre les organismes de soutien et les unités opérationnelles » étant donné qu’il veut faire de l’efficacité opérationnelle un « principe fondamental ».

« Nous devons prendre conscience de la nature spécifiquement opérationnelle de toutes les formations militaires, quelles que puissent être leur fonction ou leur spécialité. Ces unités doivent toutes pouvoir être engagées et produire les effets opérationnels pour lesquels elles ont été conçues avec des capacités d’action autonome et sans délai, sur le territoire national et en opération extérieure », a affirmé le CEMA, qui dit croire à « la richesse des débats qui permettent la confrontation des idées et la définition des effets à obtenir. »

En tout cas, avec ses propos, le général Lecointre a lancé une pierre dans le jardin de ce ceux qui défendent l’idée d’une « civilianisation » accrue dans les fonctions de soutien au sein des armées.

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