Une commission de l’ONU pointe la responsabilité de Damas dans l’attaque chimique de Khan Cheikhoun

Dans un rapport publié le 6 septembre, la Commission d’enquête des Nations unies sur les droits de l’homme en Syrie a formellement attribué au régime syrien la responsabilité de l’attaque qui, commise avec du gaz sarin, visa la localité de Khan Cheikhoun, le 4 avril dernier.

Pour rappel, cette dernière avait donné lieu à des représailles des États-Unis contre la base aérienne d’al-Shayrat, avec le tir de 59 missiles de croisière Tomahawk par les destroyers USS Ross et USS Porter.

Pour expliquer la présence de gaz sarin à Khan Cheikhoun, Damas et Moscou avancèrent que cette substance hautement toxique s’était répandue après le bombardement d’un hangar dans lequel elle avait été stocké par les rebelles syriens. Or, pour cette commission de l’ONU, cette version est « extrêmement improbable ».

« Si un tel dépôt avait été détruit par une attaque aérienne, l’explosion aurait brûlé la plus grande partie de l’agent [chimique] à l’intérieur du bâtiment, ou l’aurait enseveli sous les décombres, où il aurait été absorbé, plutôt que d’être libéré en quantités importantes dans l’atmosphère », affirme le rapport. En outre, si tel avait été le cas, « cette installation serait encore fortement contaminée. »

Enfin, poursuit le document, le « scénario suggéré par les responsables russes et syriens n’explique pas le moment de l’apparition des victimes », c’est à dire quelques heures avant le moment où la frappe aurait été réalisée. Sur ce point, la commission n’a pas obtenu de précisions de la part de Damas.

Seulement, l’enquête de cette commission ne manquera pas de se heurter aux réserves habituelles étant donné que ses membres n’ont pas été en mesure de se rendre sur place pour mener leurs investigations. Cela étant, ils ont pu interroger, à distance, 43 personnes présentes lors de l’attaque, étudier les images satellites et analyser les photographies ainsi que les vidéos prises après la diffusion du gaz, dont la nature a été précisée en juin par l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Ainsi, en croisant les sources et les informations, dont certaines ont été obtenues par des observateurs de la rébellion placés près des bases syriennes, la commission a déterminé que l’attaque chimique avait été effectuée à 6 h 45 par un bombardier tactique Su-22 « Fitter » syrien ayant décollé d’Al-Shayrat. Ce dernier aurait largué quatre bombes, dont trois « probablement de type OFAB-100-120 » et une contenant l’agent chimique.

« Toutes les preuves disponibles permettent de conclure qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les forces aériennes ont lancé une bombe dispersant du gaz sarin », en conclut la commission qui, par ailleurs, affirme que 7 attaques chimiques ont été menées entre le 1er mars et le 7 juillet 2017 (soit la période couverte par le rapport).

Les travaux de cette commission de l’ONU vont dans le sens des éléments avancés par le ministère français des Affaires étrangères. Selon ces derniers, le gaz « sarin présent dans les munitions utilisées le 4 avril a été produit selon le même procédé de fabrication que celui utilisé lors de l’attaque au sarin perpétré par le régime syrien à Saraqeb » et la « présence d’hexamine indique que ce procédé de fabrication est celui développé par le CERS [Centre d’Etudes et de Recherches Scientifiques, ndlr] au profit du régime syrien ».

Cela étant, les conclusions de la Commission d’enquête des Nations unies sur les droits de l’homme en Syrie ont été publiées avant le résultat des investigations menées par le Joint Investigative Mechanism (JIM) qui, réunissant des experts de l’ONU et de l’OIAC, a été mandaté par le Conseil de sécurité pour désigner les responsables de l’atttaque de Khan Cheikhoun.

« Nous recevons, malheureusement, des messages directs et indirects en permanence de plusieurs directions nous expliquant comment faire notre travail », avait indiqué, en juillet, Edmond Mulet, le rapporteur en chef du JIM. Et de prévenir : « Certains messages sont très clairs et affirment que si nous ne faisons pas notre travail » selon leurs voeux, « alors ils n’accepteront pas nos conclusions. »

Par ailleurs, le rapport dénonce les « tactiques brutales » suivies contre les civils par l’État islamique et le groupe Hay’at Tahrir al-Sham (dont le Fatah al-Cham, l’ex-Front al-Nosra, fait partie), l’attitude des forces gouvernementales syriennes, qui « ont continué à cibler délibérément les civils », ainsi que la coalition anti-jihadiste, accusée de « ne pas toujours prendre toutes les précautions possibles » pour éviter les dommages collatéraux lorsqu’elle attaque des « terroristes présumés ».

« Des enquêtes sont en cours sur des allégations selon lesquelles les attaques aériennes de la coalition internationale, menées dans le cadre de l’offensive en cours pour chasser l’EI de Raqqa, ont entraîné et continuent d’entraîner des pertes civiles de plus en plus alarmantes », affirme la commission de l’ONU.

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