Quels aéronefs aura la Marine nationale pour son éventuel futur porte-avions?

Durant l’élection présidentielle, la Marine nationale a fait passer plusieurs messages sur la nécessité pour un pays comme la France de disposer de deux porte-avions afin de disposer d’une capacité aéronavale permanente, ce qui n’est actuellement pas possible étant donné que le Charles-de-Gaulle est immobilisé pour sa refonte à mi-vie.

Aussi, pour maintenir leurs compétences, les pilotes de la chasse embarquée vont prêter main forte à leurs camarades de l’armée de l’Air en Jordanie avant de préparer la remontée en puissance du groupe aéronaval dès l’an prochain.

« Il nous faudra apprendre les bases du métier aux jeunes pilotes qui arrivent et leur faire gravir les échelons puis, au premier semestre 2018, envoyer une part importante de l’aéronautique navale française aux États-Unis pour apponter sur un porte-avions américain, après avoir fait une séquence d’appontage sur les pistes à terre », a ainsi expliqué l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

À cette occasion, le CEMM a livré aux parlementaires une série d’arguments en faveur du maintien des capacités aéronavales françaises. Ainsi, selon lui, le porte-avions est complémentaire des bases aériennes projetées, « tributaires d’autorisations diplomatiques » et permet de tripler le nombre d’appareils présents sur un théâtre d’opérations, comme cela a été le cas dans le cadre de la coalition anti-État islamique.

À ce propos, l’amiral Prazuck a également insisté sur « valeur politique et à la force symbolique d’un porte-avions » car à chaque fois que la France « a été touchée par des attentats, une des réponses a consisté à faire appareiller le Charles-de-Gaulle pour aller frapper les endroits d’où ces attentats avaient été pensés et commandités. »

Enfin, le CEMM a développé un troisième argument (comme il l’avait fait plus tôt dans les colonnes du hors-série n°55 de DSI) : le porte-avions est un « agrégateur de volontés politiques européennes » car les « trois fois où nous l’avons déployé pour frapper Daesh, il a toujours été accompagné par des bâtiments européens – allemands, belges, britanniques et italiens. » En outre, a-t-il insisté, parce qu’il constitue un « un outil puissant, unique en Europe, qui exige un très haut niveau de compétence opérationnel, le porte-avions aura toujours cette capacité d’entraînement de nos partenaires européens. »

« Tous ces éléments me semblent des arguments puissants en faveur d’un second porte-avions. […] Cela étant, c’est un investissement extrêmement lourd qui demande une programmation et une volonté affirmée. Donc une décision politique », a dit l’amiral Prazuck.

Construire un second porte-avions coûterait, selon les estimations, à 4 ou 4,5 milliards d’euros, soit 450 millions (0,02% du PIB) sur 10 ans. Mais cette décision « politique » devant être prise dans les plus brefs délais, l’on verra ce qu’en dira la revue stratégique lancée avant l’été par le président Macron.

Il ne faut en effet pas tarder car, après la fin du chantier de refonte à mi-vie du Charles-de-Gaulle, il se posera, faute de plan de charge, un problème de maintien des compétences industrielles critiques, en particulier pour celles dites « orphelines ». Ces dernières concernent la maîtrise des installations d’aviation et la propulsion nucléaire.

Mais, dans un premier temps, il faudra définir le cahier des charges de cet éventuel futur porte-avions. « Quelles catapultes utiliserons-nous? Les nôtres sont aujourd’hui à vapeur mais les Américains ont lancé hier le Gerald Ford, le premier porte-avions de nouvelle génération, équipé de catapultes électromagnétiques. Comment ces dernières fonctionnent-elles? De quelle source de puissance a-t-on besoin pour les faire fonctionner? Les industriels doivent explorer ces questions avant que nous nous décidions », a résumé l’amiral Prazuck.

Cela étant, quelques pistes sont privilégiées. Ce futur porte-avions devrait être plus imposant que les 42.500 tonnes du Charles-de-Gaulle, ne serait-ce qu’en raison de l’évolution des normes de sûreté et du renforcement du blindage. Le choix des catapultes électro-magnétiques semble avoir été retenu, si l’on en croit François Geleznikoff, e directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Aussi importantes soient les réponses à ces questions, il n’en reste pas moins qu’il faudra prendre en compte un élément déterminant, à savoir celui des aéronefs embarqués à bord de ce futur porte-avions.

« Quels avions aurons-nous en 2030-2040? Seront-ils plus gros ou plus petits? Y aura-t-il des drones? », s’est en effet demandé l’amiral Prazuck devant les députés. Pour le moment, le Rafale M a encore de belles années devant lui, d’autant plus que le nombre d’exemplaires en service au sein de l’aéronautique navale (45 théoriquement en compte) s’avère insuffisant, sachant que la cible initiale (définie en 1991) était de 80 appareils.

D’où les interrogations sur le programme d’avion de combat franco-allemand, annoncé le 13 juillet dernier. L’Allemagne n’ayant pas de capacités aéronavales, le cahier des charges de ce futur appareil devra-t-il prendre en compte les contraintes (lourdes) inhérentes à un chasseur embarqué?

Qui plus est, il y aura également la question de la Force aéronavale nucléaire (FANu), dont l’avenir est calqué sur celui des Forces aériennes stratégiques (FAS), avec le remplacement du missile ASMP-A par l’ASN4G, dont les choix technologiques détermineront la « nature du porteur », ce qui « conditionnera sa capacité d’emploi à partir d’un porte-avions et des infrastructures actuelles », selon un récent rapport du Sénat.

En outre, l’on peut se demander si le Système de combat aérien futur (SCAF), objet d’un développement franco-britannique, pourrait être appelé à opérer depuis un porte-avions, sachant que les deux que mettra en oeuvre la Royal Navy n’utilisent pas de catapultes. Enfin, le problème ne se posera pas pour les avions de guet aérien, l’US Navy disposant d’E2-D Advanced Hawkeye, une version modernisée des trois appareils utilisés par la Marine nationale.

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