La France se décide (enfin) à armer ses drones MALE MQ-9 Reaper

Les responsables de l’armée de l’Air sont depuis longtemps acquis à l’idée d’armer les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) MQ-9 Reaper que met en oeuvre l’escadron 1/33 Belfort dans la bande sahélo-saharienne pour le compte de la force Barkhane. Seulement, jamais il n’avait été jusqu’à présent décidé de franchir ce pas, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ayant alors souhaité prendre le temps de la réflexion (« la question reste posée », a-t-il dit à plusieurs reprises).

Pourtant, sur un plan opérationnel, la plus-value apportée par un drone MALE armé est évidente, pourvu que les règles d’engagement soient respectées. En effet, cela permettrait de réduire considérablement les délais entre la détection d’une cible et la frappe, généralement assurée par un chasseur-bombardier, à condition qu’il soit disponible.

L’endurance d’un drone Reaper lui autorise de survoler une zone d’intérêt pendant une longue période, ce qui rendrait possible, s’il était armé, de frapper un groupe terroriste venu récupérer des armes dans l’une de ses caches perdues au milieu du désert, sans avoir à attendre, là encore, l’intervention d’un avion armé.

Comme l’avait souligné l’amiral Castex en son temps, un avion ne conquiert pas et n’occupe pas l’espace. En clair, son action ne peut être qu’intermittente et il lui est impossible de mener une mission exigeant à la fois de la « fixité » dans l’espace et de la continuité dans le temps. Ce que peut réaliser un drone MALE, avec son endurance de plus de 24 heures.

Ainsi, avec de telles qualités, un MQ-9 Reaper armé serait « donc particulièrement adapté à la fugacité des adversaires que nous combattons aujoud’hui », avait fait valoir le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA) en 2016.

D’où la décision annoncée ce 5 septembre par Florence Parly, la ministre des Armées, alors que, au printemps, les sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger avaient souhaité ouvrir un débat public sur la question de l’armement des drones.

« À l’extérieur de nos frontières, l’adversaire se fait plus furtif, plus mobile, se dilue dans les vastes étendues du Sahel ou se dissimule au milieu des populations civiles. Face à ce constat, nous ne pouvons rester statiques. Nos modes d’action et nos équipements doivent s’adapter pour garder le temps d’avance qui est décisif pour atteindre nos objectifs », a commencé par faire valoir Mme Parly, lors de l’Université d’été de la Défense. « C’est dans cet esprit que j’ai décidé de lancer le processus d’armement de nos drones de renseignement et de surveillance », a-t-elle ajouté.

Les drones Reaper sont « devenus des moyens incontournables dans les opérations que nous menons au Sahel », où ils permettent « de surveiller, d’identifier et de suivre les cibles. » Mais « dès lors qu’il s’agit de traiter ces cibles, il faut aujourd’hui faire appel à d’autres moyens, avions ou hélicoptères de combat, dont les frappes sont d’ailleurs parfois guidées par nos drones de surveillance. Le succès de l’opération repose donc sur la disponibilité et la parfaite coordination de plusieurs moyens, avec des temps de déploiement sur zones importants, alors même que l’opportunité de traiter la cible est souvent fugace », a expliqué la ministre.

« Avec la décision que j’annonce aujourd’hui, les drones armés permettront d’allier en permanence la surveillance, l’endurance dans la discrétion et la capacité de frappe, au moment le plus opportun. Ainsi, nous gagnons en efficacité et nous limitons le risque de dégâts collatéraux. Ce nouvel usage permettra aussi d’optimiser l’emploi des aéronefs, avions de combat et leurs ravitailleurs ou hélicoptères, plus rapides, plus puissants mais également plus lourds dans leur mise en œuvre », a encore plaidé Mme Parly, réfutant par avance les réserves éthiques que cette mesure peut susciter, comme c’est le cas en Allemagne.

« Non, un drone armé n’est pas un robot tueur. Ce sont deux systèmes qui n’ont rien de semblable. Cette décision ne change rien aux règles d’usage de la force, au respect du droit des conflits armés et je reste plus que jamais attachée au respect du droit international et de nos engagements relatifs à la maîtrise des armements et à la préservation des populations civiles dans les conflits », a assuré la ministre.

L’on pourrait également faire remarquer que, à partir du moment où l’on décide de développer des drones de combat, comme le SCAF (Système de combat aérien futur), on voit mal la raison qui empêcherait d’arme un MQ-9 Reaper…

Quoi qu’il en soit, la mesure annoncée par Mme Parly s’appliquera aux 6 Reaper mis en oeuvre par le 1/33 Belfort. « Il s’agira de les doter d’un armement guidé de précision », a-t-elle dit, c’est à dire par des missiles HELLFIRE, voire Brimstone. Puis ce sera le tour du MALE RPAS, le drone MALE européen développé par Airbus, Dassault Aviation et Leonardo

« En armant ses drones, la France rejoint ainsi le groupe des nations qui se sont déjà dotées de cette capacité ou sont en train de le faire », a souligné la ministre des Armées. « Cette expansion de la détention des drones armés, confirme qu’il s’agit d’une capacité clé du combat de demain, comme l’ont été, à leur époque, le blindé ou l’avion. La France ne saurait passer à côté sous peine de se voir déclassée », a-t-elle insisté.

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