Le chef d’état-major de la Marine veut plus de frégates de « premier rang »

Selon les plans tels qu’ils ont été définis par le Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013 et la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 actualisée, la Marine nationale ne devrait compter que 15 frégates dites de premier rang à l’horizon 2030.

Alors que les frégates étant l’épine dorsale d’une marine qui entend jouer les premiers rôles, les ambitions en la matière n’ont cessé de décliner depuis des années.

Avant 2008, il était question de doter la Marine nationale avec 23 frégates de premier rang. Puis après le LBDSN publié cette année-là, la cible fut réduite à 18, le nombre de Frégates multimissions (FREMM) commandées devant passer de 17 à 11, puis, cinq ans plus tard, à seulement 8.

Désormais, il est donc question, pour la Marine, de disposer de 5 Frégates de taille intermédiaire (FTI), de 2 frégates Horizon (Chevalier Paul et Forbin) et donc de 8 FREMM.

Pendant un temps, les frégates légères furtives de la classe La Fayette seront équipées d’un sonar, ce qui les fera passer pour des navires de premier rang dans l’attente de la réalisation du programme FTI.

Seulement, ce format à 15 frégates de premier rang correspondait à un contrat opérationnel qui est désormais largement dépassé, comme l’a encore répété l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), aux députés de la commission de la Défense.

« Nos contrats opérationnels officiels datent du Livre blanc de 2013 et sont largement dépassés. Le Livre blanc nous demandait ainsi de réaliser deux missions permanentes, la dissuasion et la protection, et d’être déployés sur deux théâtres d’opération – contre 5 dans les faits aujourd’hui », a ainsi rappelé l’amiral Prazuck.  »

« Nous devrions disposer de 15 frégates [de 1er rang, ndlr] en 2030 contre dix-sept aujourd’hui alors que, clairement, depuis 2015, les engagements pour lutter contre le terrorisme et pour faire face au retour des États puissances augmentent. Les courbes se croisent, ce qui doit nous inviter à réfléchir, » a continué le CEMM. D’autant plus que, a-t-il fait observer aux députés, « le tempo des opérations, depuis 2015, s’est considérablement accéléré, ce qui entraîne une usure des matériels préoccupante. »

Aussi, et alors qu’une revue stratégique est actuellement en cours (et que l’on sait déjà que les Armées verront leur budget augmenter de 1,6 milliard d’euros par an, d’après ce qu’a indiqué le président Macron la semaine passée), l’amiral Prazuck entend revoir à la hausse le format de la force d’action navale.

« Je vise […] dix-huit frégates de premier rang », a-t-il dit aux parlementaires, sans préciser s’il s’agira de FREMM ou de FTI. « Je rappelle que pendant la guerre des Malouines – qui n’était pas, loin s’en faut, un conflit mondial –, quatorze bâtiments britanniques ont été touchés », a fait valoir le CEMM.

L’autre priorité de l’amiral Prazuck est le programme BATSIMAR (Bâtiment de surveillance et d’intervention). « À partir de 2008, nous avons fait le pari que certains types de bâtiments pourraient voir leur durée de vie prolongée. Il faut admettre que, pour certains d’entre eux, nous avons perdu notre pari », a-t-il reconnu. Du coup, outre-mer, « nous n’avons plus que 4 patrouilleurs au lieu de 8 et je sais qu’en 2021 je n’en aurai plus que 2″ alors que ces navires » servent à exercer notre souveraineté dans les zones économiques exclusives », a-t-il déploté.

Même chose avec les avisos, qui, affichant près de 40 ans de service, sont « aussi aujourd’hui en Méditerranée devant la Libye dans le cadre de l’opération Sophia, dans le cadre de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) ». D’où la volonté de l’amiral Prazuck d’accélérer le programme BATSIMAR, avec un objectif d’acquérir 18 nouveaux navires.

« Mon objectif est de revenir au format de 1982, année de la Convention de Montego Bay et de la création des zones économiques exclusives », a expliqué le CEMM. À l’époque, il avait été décidé de doter chaque département et territoire d’outre-mer de deux patrouilleurs (P-400), d’un navire logistique (Batral dans les années 80, B2M actuellement) et d’une frégate de surveillance.

« Je ne cherche pas à augmenter ce format mais bien à le retrouver, ce qui suppose que nous ayons huit patrouilleurs pour l’ensemble des outre-mer […]. Pour cela, je ne cherche pas à avoir un bâtiment de combat, capable de tirer des missiles à 300 kilomètres : l’outil de combat principal de ces bateaux est leur pavillon français qui marque notre présence et qui leur permet d’observer la situation et d’intervenir dans des situations simples », a expliqué l’amiral Prazuck. Et d’ajouter : « Si malgré la présence de ces unités, notre souveraineté était contestée, alors c’est la flotte de combat qui pourrait être déployée. »

Enfin, le CEMM compte aussi disposer de davantage d’avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL-2) que prévu. En effet, sur les 27 livrés à la Marine nationale, il était question de moderniser 22, puis seulement 15 exemplaires. Là encore, le « tempo opérationel » et l’évolution du contexte stratégique obligent à revoir les plans à la hausse. « Je vise également dix-huit Atlantique 2 rénovés », a en effet déclaré l’amiral Prazuck.

« Les Atlantique 2 sont aujourd’hui dans un programme de rénovation piloté par Dassault et faisant également intervenir Thales, Naval Group et le service industriel de l’aéronautique (SIAé). Les expérimentations que j’ai vues de ces équipements sont très prometteuses […] : on aura vraiment un avion remarquable – à la fois pour chasser le sous-marin dans l’Atlantique Nord et pour participer aux opérations de renseignement au-dessus de la Syrie et de l’Irak comme ils le font aujourd’hui », a expliqué le CEMM.

« Quand nous avons un problème de disponibilité de ces avions, comme cela nous est déjà arrivé à certaines périodes, nous sommes obligés d’aller chercher un Atlantique 2 qui opère au fin fond du désert en Jordanie pour l’envoyer au nord de l’Écosse ou à Lann-Bihoué participer à la chasse aux sous-marins qui s’approchent de notre sanctuaire breton », a-t-il ajouté.

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