La Corée du Nord menace les installations militaires américaines de l’île de Guam

Après le renforcement des sanctions prises à l’égard de Pyongyang par un Conseil de sécurité des Nations unies unanime, l’on pouvait s’attendre à une accalmie sur le dossier nord-coréen. D’autant plus que la Chine avait rappelé à l’ordre la Corée du Nord, dont est la plus proche alliée, en l’appelant « à prendre une décision bonne et intelligente » (comprendre : éviter de se livrer à de nouvelles provocations) et en organisant des manoeuvres militaires au large de la péninsule coréenne.

Seulement, c’était sans compter sur les derniers propos tenus par le président américain, Donald Trump, qui a remis une pièce dans la machine. « La Corée du Nord ferait mieux de ne plus proférer de menaces envers les États-Unis », a-t-il déclaré, le 8 août. Sinon, a-t-il continué, elles « se heurteront au feu et à la colère ». Et de promettre une réaction d’une ampleur « que le monde n’a jamais vue jusqu’ici ».

Cependant, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, a tenté de minimiser la portée des déclarations de M. Trump. C’est un « message fort » que Kim Jong-Un, le chef du régime nord-coréen, peut « comprendre », a-t-il estimé. « Je ne pense pas qu’il y ait une quelconque menace imminente », a-t-il également affirmé. « Rien de ce que j’ai vu, ni rien de ce que je sais n’indique que la situation a évolué de façon dramatique au cours des 24 dernières heures », a-t-il assuré.

Le même jour, le Washington Post, que M. Trump a pourtant accusé de propager des « fausses nouvelles » à son endroit, a évoqué un rapport de la Defense Intelligence Agency (DIA, l’agence de renseignement du Pentagone) selon lequel la Corée du Nord aurait réussi à miniaturiser une soixantaine de têtes nucléaires pouvant être installées sur des missiles balistiques.

Bien que plus de 10 ans se sont écoulés depuis son premier essai nucléaire, les analystes estimaient encore récemment qu’il faudrait encore plusieurs années à la Corée du Nord pour concevoir une ogive assez petite pouvant être emportée par un missile balistique. Or, selon la DIA, les ingénieurs nord-coréens auraient donc accompli des progrès importants pour arriver à un tel résultat.

Cependant, et le dernier essai d’un missile intercontinental Hwasong-14 l’a montré, la Corée du Nord ne maîtrise pas encore totalement la technologie liée aux véhicules de ré-entrée, c’est à dire la partie du missile susceptible de contenir une ogive nucléaire. Expert nucléaire à l’université de Stanford, Siegfried Hecker a estimé, selon l’AFP, qu’il lui faudra probablement encore 5 ans de travail pour y arriver.

« Je ne pense pas qu’ils aient suffisamment d’expérience en matière de missiles ou d’essais nucléaires pour être capables de mettre en oeuvre une ogive nucléaire suffisamment petite, légère et robuste pour survivre à un tir par missile balistique intercontinental », a-t-il en effet expliqué. Par ailleurs, toujours selon lui, la Corée du Nord aurait assez d’uranium et de plutonium pour fabriquer 20 à 25 têtes nucléaires… Soit trois fois mois par rapport à l’évaluation de la DIA.

En tout cas, les derniers propos de M. Trump ont relancé la guerre des mots avec Pyongyang. L’agence officielle nord-coréenne KCNA a en effet indiqué que la Corée du Nord envisageait de tirer des missiles balistiques à portée intermédiaire vers les bases américaines implantées sur l’île de Guam, dans le Pacifique. Et de préciser que les forces stratégiques nord-coréennes « examinent désormais avec soin un plan opérationnel en vue d’un feu enveloppant sur les zones autour de Guam, avec des fusées balistiques de moyenne à longue portée Hwasong-12, afin de contenir les principales bases militaires américaines sur Guam et notamment la base aérienne d’Anderson. »

La menace de s’en prendre aux bases américains dans la région n’est pas nouvelle dans la mesure où elle a déjà été proférée par Pyongyang en mars dernier (là, il était question de celles implantées au Japon). Elle paraît même étrangement « modérée » si on la compare à celle lancée en avril contre l’Australie, à qui il était promis le feu nucléaire, ou encore à celle promettant de « réduire en cendres » les États-Unis.

Et c’est sans doute parce qu’elle est modérée que la menace nord-coréenne de s’en prendre à Guam peut être considérée comme crédible, donc inquiétante.

Cela étant, la Chine a appelé « toutes les parties à continuer sur la voie d’une résolution pacifique de la question nucléaire dans la péninsule coréenne, et à éviter les paroles et actions susceptibles d’intensifier les contraditions et d’aggraver la situation. » L’Allemagne est sur la même ligne. « Nous suivons avec la plus grande inquiétude l’escalade dans la rhétorique autour de la péninsule coréenne, la situation est vraiment sérieuse. Rajouter des ‘bruits de bottes’ ne va certainement pas arranger les choses, la voie militaire ne peut être une solution », a commenté la diplomatie allemande.

Quant à la France, sa position, exprimée par Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, est assez ambigue. « La détermination du président américain telle qu’elle a été exprimée cette nuit est de toute façon la détermination que tous les présidents américains auraient eue, parce qu’ils ne peuvent pas accepter qu’une partie de leur territoire puisse faire l’objet de tirs de missiles balistiques nucléarisés », a-t-il dit, ce 9 août.

Toutefois, a-t-il continué, « la France est prête à mettre tous ses bons offices disponibles pour que nous puissions trouver une solution pacifiée », avant de saluant l’accord sur le renforcement des sanctions visant Pyongyang voté par le Conseil de sécurité.

En attendant, M. Trump a continué sur sa lancée. Après la menace nord-coréenne sur l’île de Guam, il a souligné que l’arsenal nucléaire américain était « plus fort et plus puissant que jamais auparavant » [alors qu’il doit être modernisé, ndlr]. Et d’insister : « Espérons que nous n’ayons jamais à utiliser cette puissance, mais nous serons toujours la nation la plus puissante du monde! »

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