Un budget militaire équivalent à 2% du PIB ne fait pas consensus en Allemagne

Lors du sommet de l’Otan, organisé à Newport (Pays de Galles) en septembre 2014, l’Allemagne a pris l’engagement, comme les autres Alliés, de porter ses dépenses militaires à 2% du PIB d’ici 2024. Depuis, Berlin, qui partait de loin, a augmenté son effort de défense (+7% en 2017) afin de répondre à cet objectif, régulièrement réaffirmé par Angela Merkel, la chancelière allemande.

Cette hausse des dépenses militaires doit permettre à l’Allemagne de jouer un rôle plus important sur la scène internationale, conformément aux orientations fixées par le dernier Livre blanc allemand sur la Défense, publié en janvier 2016.

Pour la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, cet objectif des 2% du PIB est « le bon car la Bundeswehr a urgemment besoin de modernisation. » Et d’ajouter, alors que l’environnement sécuritaire s’est dégradé, que « l’Allemagne a une économie forte » et que « personne ne comprendrait que cette Allemagne forte ne parvienne pas à remplir cet objectif mesuré alors que d’autres pays à court d’argent se serrent la ceinture » pour atteindre ce but.

Cela étant, certains membres du gouvernement allemand, notamment ceux appartenant au SPD (sociaux démocrates), ont exprimé quelques réserves sur cet objectif des 2% du PIB, sans pour autant remettre en cause, sur le fond, la nécessité d’augmenter les dépenses militaires du pays. Tel a été le cas de Sigmar Gabriel, le chef de la diplomatie allemande.

Alors que les prochaines élections fédérales auront lieu en septembre, cette question des dépenses militaires allemandes ne fait pas consensus. Ainsi, le président du SPD, Martin Schulz, et le chef de file des sociaux-démocrates au Parlement, Thomas Oppermann, ont publié, le 6 août, une tribune acerbe contre la politique de défense voulue par leurs concurrents de la CDU/CSU, la formation chrétienne-démocrate dont sont issues Angela Merkel et Ursula von der Leyen.

« Nous disons clairement non à ‘l’objectif de deux pour cent’ de Trump et de la CDU/CSU », ont ainsi écrit les deux hommes. « Ce n’est pas seulement irréaliste, c’est tout simplement le mauvais objectif », font-ils valoir.

Selon, un budget de la Défense équivalent à 2% du PIB ferait de l’Allemagne la première puissance militaire en Europe, avec une enveloppe de 60 milliards d’euros. « Un objectif dont personne ne veut en Europe étant donné le poids de l’Histoire », assurent les deux dirigeants du SPD.

Seulement, ils oublient un détail : si cela est vrai en termes budgétaires, cela est faux si on raisonne en termes capacitaires. Sur ce plan, avec ses forces nucléaires et ses moyens de projection, la France resterait devant… pour peu qu’elle alloue l’argent nécessaire à ses armées.

Pour MM. Schultz et Oppermann, l’Allemagne devrait au contraire « se concentrer sur la construction d’une solide Europe de la défense, jusqu’à aboutir à la création d’une armée européenne. » Une armée européenne dont tout le monde s’accorde à dire, ou presque, qui est illusoire.

« Merkel et la CDU/CSU se dévalorisent face à Donald Trump quand ils répondent à ses provocations sur l’objectif de 2% en disant : ‘OK, d’accord, on mettra plus d’argent’, comme si nous n’avions pas de meilleures idées », ont avancé les deux socio-démocrates, faisant fi que la décision d’augmenter les dépenses militaires a été prise deux ans avant l’arrivée de l’ex-magnat de l’immobilier américain à la Maison Blanche.

À l’approche des élections, le SPD cherche à se démarquer des décisions qui ont été prises en matière de défense par le gouvernement auquel il a participé au titre de la « grande coalition ». Et cela, afin de mobiliser son électorat ainsi que la tendance pacifiste de l’opinion publique allemande. Outre la tribune publiée par leurs dirigeants, les sociaux-démocrates ont ainsi bloqué, au Bundestag, le projet visant à louer des drones armés Heron TP auprès du constructeur israélien IAI pour des questions « militaires et juridiques » qui n’avaient pas encore été réglées.

Pour le moment, ce « retour aux fondamentaux » du SPD sur les affaires militaires n’est pas payant : selon les derniers sondages, il ne recueille que 23% des intentions de vote, contre 38% pour la CDU/CSU.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]