70% des militaires du rang de la spécialité « fusiliers commandos de l’Air » ne rempilent pas
Si l’armée de l’Air peut, aujourd’hui, assumer des missions sans cesse plus nombreuses et exigeantes alors qu’elle a été « essorée » par les vagues de restructurations sucessives qui ont affecté le ministère des Armées (18.500 postes en moins, format de l’aviation de combat réduit de moitié, etc…), elle le doit en grande partie à ses personnels. Et lors de son audition devant les députés de la commission de la Défense, son chef d’état-major (CEMAA), le général Lanata, leur a rendu un hommage appuyé.
« Je peux vous assurer que les aviateurs que je commande allient un très haut niveau de savoir-faire technologique à un enthousiasme remarquable, une discipline et une loyauté sans faille, une rusticité, une débrouillardise et une expérience opérationnelle rare, une générosité et un sens du service qui forcent l’admiration, y compris chez nos alliés », a dit le CEMAA aux députés.
Pour aurant, les ressources humaines constituent un sujet sensible pour le général Lanata. « Le déficit en personnel constitue selon moi la principale lacune capacitaire de l’armée de l’air, donc la priorité des priorités. J’estime que nous sommes allés trop loin dans les déflations d’effectifs et que certains métiers font désormais l’objet d’une trop forte tension », a-t-il affirmé.
Ainsi, a-t-il souligné, le « nombre de pilotes de chasse et de mécaniciens, par exemple, particulièrement mis à contribution, ne suffit pas à soutenir l’engagement actuel dans la durée », d’autant plus que « nous avons du mal à fidéliser ces personnels en raison du rythme opérationnel, de la difficulté que nous avons à les entraîner, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, face à la concurrence du secteur aéronautique privé. »
Mais d’autres spécialités sont dans le même cas. « Le même phénomène affecte les spécialistes des systèmes d’information, les contrôleurs aériens, les spécialités du renseignement, des niches de compétences essentielles à la conduite de nos opérations », a avancé le CEMAA, qui a également insisté sur les difficultés constatées sur les « spécialistes de la sécurité et de la protection des bases aériennes. »
« À la suite des diminutions d’effectifs décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 40 % des sites de l’armée de l’air ne disposent plus de personnel de protection dédié. Devant la bascule du contexte sécuritaire en 2015, nous avons été contraints de renforcer considérablement la protection de nos bases, alors que nous ne disposions plus des fusiliers commandos, spécialistes de la protection, en nombre suffisant », a expliqué le général Lanata.
Résultat : le rythme imposé à ces unités de protection est insoutenable, ce qui a des conséquences sur leur fidélisation. « 70 % des fusiliers commandos militaires du rang ne renouvellent pas leur premier contrat et quittent l’institution », a indiqué le CEMAA. Aussi, a-t-il continué, « nous sommes obligés de recourir à des tours de garde par le personnel de toutes spécialités pour assurer la sécurité et la protection de nos emprises. »
Et là, on entre dans un cercle vicieux, puisque ce personnel sollicité pour une mission qui n’est pas originellement la sienne « fait ensuite défaut dans les ateliers de réparation des avions, dans les tours de contrôle, dans les centres de commandement. » Ce qui a deux conséquences immédiate : la capacité à réaliser les missions s’en trouve limitée et cela « provoque des tensions supplémentaires, alors que la pression des opérations génère déjà un absentéisme important. » Évidemment, tout cela n’est pas sans conséquence sur le moral des aviateurs.
« Les hommes et les femmes de l’armée de l’air sont la clef de ses réussites en opérations, la clef de son dynamisme et de sa transformation, la clef de notre crédibilité opérationnelle, gage de reconnaissance internationale qui conduit par exemple à l’exportation du Rafale. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cette richesse, qui se trouve aujourd’hui en danger », a prévenu le général Lanata.
« J’estime donc capitale l’augmentation du format des ressources humaines de l’armée de l’air, indissociable d’un plan d’amélioration global et ambitieux de la condition du personnel […]. Cette question doit être appréhendée largement et porter sur les rémunérations, […], l’état des infrastructures, le niveau des pièces de rechanges, la nécessité de disposer d’équipements en nombre suffisant, la reconnaissance des services rendus, le logement, les familles – autant de thèmes qui contribuent au sentiment de pouvoir réussir la mission et vivre dans des conditions acceptables », a plaidé le général Lanara. Sera-t-il entendu?