Vers une alliance entre le français Naval Group et l’italien Fincantieri?

Estimant que l’accord portant sur sa reprise par le constructeur naval italien Fincantieri ne garantissait pas suffisamment les intérêts français, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a donc annoncé la nationalisation « temporaire » du chantier naval STX France, dans l’attente de trouver une solution plus équitable avec Rome.

Pour rappel, il avait été convenu, en avril dernier, de répartir le capital de STX France, d’une importance capitale pour la construction navale militaire française étant donné que le chantier naval de Saint-Nazaire est le seul à pourvoir accueillir de grosses coques, comme celles des porte-avions, entre Fincantieri (48%), la Fundazione CR Trieste (7%), Naval Group (12%) et l’État français (33%).

Mais la proximité de Fincantieri avec la Fundazione CR Trieste et son alliance avec un constructeur naval chinois ont motivé la décision du président Macron de revoir cet accord, même si l’État y disposait d’un droit de veto. D’où l’imbroglio franco-italien de ces derniers jours, qui a donc conduit à la nationalisation de STX France (montant de l’opération : 80 millions d’euros).

Pour autant, en faisant valoir son droit de préemption qui courait jusqu’au 28 juillet, l’exécutif français affirme vouloir toujours trouver une solution avec son homologue italien sur ce dossier, qui est à deux doigts de virer à la crise diplomatique.

Ainsi, dans les colonnes du Journal du Dimanche, ce 30 juillet, M. Le Maire a précisé les intentions de Paris avant sa rencontre, prévue mardi prochain, avec Pier Carlo Padoan, son homologue italien, et Carolo Calenda, le ministre transalpin du Développement économique.

L’idée que M. Le Maire a développée consisterait à étendre les négociations sur le sort de STX France à une « coopération militaire » dans la construction des navires de surface.

« Jusque-là, on partait sur une base de coopération dans le secteur industriel civil : la réalisation de paquebots de plaisance, pour résumer. Eh bien, nous disons à nos amis italiens : regardons aussi ce que nous pouvons faire dans le secteur militaire, dans les navires de surface précisément, et bâtissons un grand champion de l’industrie navale européenne », a expliqué le ministre français de l’Économie.

Et « s’il n’y a pas d’accord, nous en resterons à la situation actuelle et nous chercherons d’autres repreneurs », a continué M. Le Maire, avant de préciser immédiatement que ce n’est pas l’issue souhaitée, alors que l’on sait que les armateurs Royal Caribbean Cruise Line (RCCL) et Mediterranean Shipping Company (MSC), c’est à dire les principaux clients de STX France, ont proposé une solution alternative.

Quoi qu’il en soit, cette offre d’une coopération militaire viserait à un rapprochement entre Naval Group (ex-DCNS) et Fincantieri. Un « serpent de mer » depuis quelques années déjà…

En 2015, les deux groupes avaient en effet signé un « head of agreement » en vue de négocier un éventuel rapprochement à 50/50 dans les navires de surface. Puis, plus rien… En janvier 2017, Hervé Guillou, le Pdg de Naval Group, aurait proposé aux actionnaires de relancer cette idée, en profitant de la prise de contrôle alors annoncée de STX France par Fincantieri, avec des participations croisées. Las, ce projet, appelé « Magellan« , n’a pas reçu le feu vert du gouvernement français, qui ne voulait pas alors mélanger les deux dossiers à quelques semaines de l’élection présidentielle.

Pour M. Guillou, on ne pourra pas faire l’économie d’une consolidation du secteur européen de la construction navale militaire afin de faire face à la concurrence mondiale, et notamment asiatique. Mais pour cela, encore faut-il trouver un partenaire. En décembre 2016, l’allemand TKMS ne donnait « aucun signe d’ouverture » tandis que le néerlandais Daman était « associé aux États-Unis » pour ce qui concerne les systèmes de combat. Restait donc l’hypothèse Fincantieri, la piste Navantia étant impossible après la rupture fracassante de 2010.

« Très faible en ce qui concerne les sous-marins, pour la construction desquels il dépend d’un transfert technologique, il dispose en revanche d’une gamme très étendue de bâtiments de surface. C’est contre lui que nous avons perdu le contrat qatari. Là aussi, on a tué nos marges! », avait dit, au sujet de Fincantieri, M. Guillou, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

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