Quand un éditorialiste en vue suggère que les militaires ne sont que de la chair à canon…

Journaliste passé par le Nouvel Observateur, Le Monde et Le Point, puis éditorialiste dans l’émission Bourdin & Co sur RMC, Hervé Gattegno dirige désormais la rédaction du Journal du Dimanche. Et, à ce titre, il a droit à une chronique hebdomadaire sur les ondes d’Europe1.

Á plusieurs reprises, ces dernières années, M. Gattegno s’est signalé par sa méconnaissance totale des affaires militaires. En 2013, il a ainsi estimé qu’il fallait « sans doute renoncer à une part de la force de dissuasion, qui coûte des milliards pour ne pas être utilisée ». Heureusement, d’ailleurs, qu’elle ne l’a pas été : la bombe nucléaire est une arme de non emploi et que son utilité (et son efficacité) réside justement dans les dommages potentiels qu’elle peut infliger. À l’heure où les menaces dites de la forces sont plus que jamais d’actualité, on mesure la pertinence d’une telle réflexion.

Pour M. Gattegno, les vrais menaces ne sont pas le terrorisme, les tensions internationales, les différends territoriaux, les affirmations de puissance, etc… Non, les vrais menaces, les seules qui comptent, ce sont les déficits. D’où son plaidoyer pour réduire encore et toujours les dépenses militaires du pays alors que les coupes ayant affecté le budget de ses armées depuis 25 ans n’ont réglé en rien le problème de sa dette.

Même le défilé du 14-Juillet ne trouve pas grâce à ses yeux. « Trop coûteux » et mauvais pour l’environnement à cause de son « empreinte carbone », a-t-il avancé en 2014. Et de déplorer, après avoir usé d’arguments historiquement inexacts, une « dévotion » en France pour la « chose militaire ».

On l’aura compris, M. Gattegno n’a pas d’appétence pour les affaires militaires… Et pas non plus de considération pour celles et ceux qui ont choisi de servir leur pays sous les drapeaux.

La preuve en est avec son dernier édito, diffusé le 23 juillet par Europe 1. Revenant, avec une interprétation très personnelle, sur la polémique de ces derniers jours portant sur la démission du général Pierre de Villiers et la coupe de 850 millions d’euros visant le budget des armées, M. Gattegno a eu des mots pour le moins choquants.

« Dans cette affaire, il n’y a pas que le général de Villiers qui a perdu le sens de la mesure. On a entendu tout et n’importe quoi. Je suis désolé de le dire comme ça, mais que les soldats risquent leur vie au front, c’est dans leur ordre des choses – c’est le métier qu’ils ont choisi. Ce n’est pas à la nation de protéger ses soldats, c’est le contraire! », a-t-il dit.

Donc, si l’on comprend bien le sens du propos de M. Gattegno, que l’on rangera dans le « tout et n’importe quoi », les militaires n’ont qu’à aller au combat avec la « bite et le couteau » et la Nation se serait pas tenue de leur donner les équipements nécessaires pour qu’ils puissent assurer leurs missions avec le maximum de chances de revenir entier du théâtre des opérations où le président de la République les a envoyés pour la défendre.

Cette sortie de M. Gattegno est scandaleuse : elle suggère que le soldat n’est bon qu’à aller au casse-pipe et qu’il n’est que de la chair à canon. Elle est aussi stupide : refuser aux militaires qu’on leur donne les moyens de se protéger et d’accomplir ainsi leurs missions, c’est faire le jeu de l’ennemi. Ni plus, ni moins.

Même s’il accepte d’être exposé au danger pour servir le bien commun et son pays, un militaire ne choisit pas le métier des armes pour risquer sa peau par plaisir sportif ou revenir en France entre quatre planches. Comme l’a résumé le général de Villiers dans l’une de ses lettres à un jeune engagé, celui qui fait le choix d’être soldat, c’est « celui qui a répondu, sans calcul, à ce que lui dictait sa jeunesse, qui veut donner un vrai sens à sa vie en lui donnant une direction et un but, qui préfère définitivement la camaraderie à l’isolement volontaire, qui sait qu’on est plus fort à plusieurs et pour qui servir est une ambition. »

La lecture de l’article L-4111-1 du Code de la Défense pourrait être utile à M. Gattegno, ou du moins lui rappeler que si « l’armée de la République est au service de la Nation », les devoirs et les sujétions qu’impliquent l’état militaire, qui exige « en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité », méritent « le respect des citoyens et la considération de la Nation. »

Si avoir de la considération pour les militaires est encore trop demander à M. Gattegno, l’on se contentera de son respect à leur égard.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]