Barkhane : 700 heures de travail pour remettre en état deux avions de transport CASA CN-235

On n’ est pas passé loin d’une catastrophe, le 6 juin dernier. Ce jour-là, un avion de transport CASA CN-235, avec 26 passagers à bord, décolle de la base avancée de Madama (nord du Niger) pour rejoindre N’Djamena. Presque de la routine.

Sauf que, juste avant d’arriver à destination, les commandes de vol se bloquent : l’équipage n’étant plus en mesure d’ajuster la descente de l’appareil vers la piste de la base aérienne « sergent-chef Kosseï », remet alors les gaz. Il faudra toute la présence d’esprit et l’expérience du commandant de bord pour poser le CN-235, malgré un « point dur sur les gouvernes de profondeur. »

L’inspection technique de l’avion permet d’identifier l’origine du problème : l’appareil a subi des dommages importants sur l’extrados (surface supérieure d’une aile). Des dégâts qui n’étaient pas être visibles lors du « tour » avion effectué avant chaque décollage. Ils auraient été causés par un violent orage qui s’est abattu sur Madama lors de la nuit précédente.

Après ce constat, le Groupement de Transport opérationnel (GTO) de N’Djamena ordonne d’effectuer des vérifications sur un second CN-235, resté à Madama. Et là aussi, l’examen est sans appel : des dégâts sont constatés sur l’extrados et les gouvernes de profondeur de l’appareil, lequel n’est plus en mesure de voler en l’état.

Commence alors une course contre la montre pour les mécaniciens du GTO : ces deux CN-235 sont effet indispensables pour les capacités de projection de la force Barkhane. Et il n’y a pas le choix : il faudra réparer sur place et donc, se débrouiller. Car, il n’y a pas d’infrastructures aéronautiques dignes de ce nom à Madama. Qui plus est, la saison des pluies complique la donne et l’examen approfondi des appareils montre qu’ils ont subi des dégâts plus graves qu’attendu, avec des pièces tordues, vrillées, voire cassées. En clair, les réparations seront aussi compliquées que longues.

Dans un premier temps, pour parer à l’urgence, un autre CN-235 a été déployé à N’Djamena. Et, évidemment, pour réparer, il faut des pièces de rechange que les mécaniciens du GTO n’ont pas sous la main (tout comme le matériel). Pour y remédier, explique l’État-major des Armées (EMA), il a fallu échanger « chaque pièce endommagée » par une autre « prélevée sur un avion en métropole ».

Seulement, les pièces expédiées depuis la base aérienne d’Evreux ne s’adaptent pas forcément aux CASA endommagés étant donné que ce type d’appareil « n’a pas été construit en série ». Aussi, explique l’EMA, « ce qui convient à un appareil n’a que peu de chance de pouvoir s’adapter sur un autre. »

Avec les moyens du bord, les mécaniciens, à force de système D et d’ingéniosité, parviennent quand même, entre deux orages, à réparer le CN-235 posé à N’Djamena. Dix jours plus tard, ce dernier est en mesure de décoller. Et, après un premier vol d’essai peu concluant, suivi d’un second plus satisfaisant, il sera de nouveau admis à reprendre les opérations.

Mais le plus dur est à venir : il reste en effet à s’occuper du CN-235 resté à Madama. Et cela, dans des conditions encore plus rustiques qu’à N’Djamena. « L’ensemble des opérations est réalisé dans des délais inespérés par une équipe dévouée faisant preuve d’une exceptionnelle abnégation, contrainte de travailler entre deux vents de sable par une chaleur étouffante », souligne l’EMA.

Finalement, le 26 juin, ce second CASA peut s’envoler en direction de la capitale tchadienne. Pour autant, le travail des mécaniciens n’est pas terminé : pendant trois jours, ils vont passer l’avion au peigne fin, afin de le débarrasser du sable accumulé pendant son immobilisation forcée.

Au total, il aura fallu 700 heures de travail pour remettre en état ces deux avions de transport… Au regard des débats actuels sur le budget de la mission « Défense », une armée bien dotée n’aurait sans doute pas eu besoin de cannibaliser d’autres appareils pour en faire voler deux. Et elle aurait été en mesure de déployer deux autres avions (et non un seul) pour remplacer ceux qui étaient endommagés (surtout quand il est question d’assurer des alertes MEDEVAC). La chance des forces françaises (et plus largement du pouvoir politique, mais le sait-il?) est de pouvoir compter sur des personnels autant ingénieux que dévoués.

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