Quand la ministre des Armées demandait le soutien du Sénat pour s’opposer aux coupes budgétaires

Invitée de RTL, ce 14 juillet, Florence Parly, la ministre des Armées, a justifié la « remontée de bretelles » du général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA) par le président Macron au sujet de l’effort budgétaire de 850 millions d’euros décidé par le gouvernement.

« Il a notamment réaffirmé quelque chose de très attendu : c’est son engagement de porter l’effort de défense à 2% du PIB en 2025. Le président de la République a fait une chose claire, nette, il a rappelé à chacun la nécessaire discipline collective. Il a délivré un certain nombre de messages, à l’endroit des familles, de la communauté militaire, du monde politique aussi, sur la clarté du cap qui est le sien en matière de défense et militaire », a dit Mme Parly.

Interrogée pour savoir si le général de Villiers gardait sa confiance ainsi que celle du « chef de l’État », la ministre a botté en touche, se bornant à dire que le CEMA serait aux côtés du président Macron pour le défilé du 14-Juillet sur les Champs-Élysées, alors qu’il a mis sa démission dans la balance pour protester contre les nouvelles économies demandées aux armées.

Cela étant, il n’y a pas si longtemps encore, Mme Parly était sur la même ligne que le général de Villiers. Du moins, c’est que l’on comprend à la lecture du compte-rendu de son audition devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, le 3 juillet.

« Nous avons sauvé le Mali d’Al-Qaïda, même si la menace n’est pas éradiquée ; empêché une guerre civile en République Centrafricaine ; quasiment défait Daech, qui avait presque créé un État au Levant. Il y a là de quoi être fier et satisfait, d’autant que nos moyens sont restreints, quand les théâtres d’opérations sont vastes », a rappelé Mme Parly. Et de souligner que « notre niveau d’engagement dépasse de 30 % celui prévu par la loi de programmation militaire. »

Aussi, a continué la ministre, les « contraintes budgétaires sont donc très fortes, malgré la transformation considérable effectuée par le ministère », ce qui aboutit à « une forme d’usure des hommes et des femmes » ainsi qu’à une « dégradation du matériel, qui dégrade nos conditions d’intervention. » Et « ces vulnérabilités conduisent parfois à des pertes d’aptitude opérationnelle », a-t-elle relevé.

« Ainsi, l’âge moyen de nos ravitailleurs aériens est de 51 ans et 60 % de nos véhicules blindés ne sont pas équipés du niveau de protection nécessaire. Nos pétroliers ne sont pas dotés d’une double coque, ce qui enfreint les normes internationales. Nous manquons de personnel, notamment dans le renseignement, le cyber ou la maintenance. Les ressources consacrées à l’entretien programmé ont augmenté, mais restent insuffisantes », a ensuite détaillé Mme Parly, avant d’enchaîner sur les efforts accomplis par son ministère au cours de ces dernières années, notamment au niveau budgétaire.

« Le sur-engagement actuel des personnels et le vieillissement du matériel justifient pleinement une augmentation des moyens de nos armées, d’autant que ceux-ci ont diminué au cours des 10 dernières années, dans un contexte qui ne le permettait nullement. Le ministère [des Armées] a contribué fortement aux économies : entre 2000 et 2016, les crédits de la défense n’ont crû, en euros constants, que de 2 %, contre 32 % pour les dépenses publiques et 15 % pour celles de l’État. Depuis 2006, le ministère a perdu 65 000 emplois, soit 20 % de ses effectifs », a ainsi rappelé la ministre, en appelant à éviter de suivre l’exemple britannique car la « déliquescence peut être rapide, même pour une grande armée ».

Ayant de nouveau rappelé l’objectif du président Macron de porter les crédits militaires à 50 milliards d’euros d’ici 2025 (hors pensions et hors surcoûts des opérations extérieures), Mme Parly a sollicité le soutien du Sénat pour faire face aux coupes budgétaires qui s’annonçaient alors.

« J’aurai besoin de votre soutien, sans doute dès les semaines qui viennent, car on parle déjà d’annuler certains crédits – alors que nous aurions plutôt besoin de dégels », a-t-elle en effet déclaré. La suite est connue : le 11 juillet, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a présenté la note aux Armées. Et le Sénat a tenu le rôle que lui avait demandé la ministre, son président, Gérard Larcher, ayant sonné le tocsin contre les 850 millions d’euros de coupes budgétaires.

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